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Arrangements dérangeants

Vienna
Konzerthaus
12/05/2016 -  et 7 (Essen), 10 (Ludwigsburg) décembre
Ludwig van Beethoven : An die ferne Geliebte, opus 98 (arrangement Adrian Williams)
Franz Schreker : Intermezzo, opus 8
Hanns Eisler : Ernste Gesänge
Edward Elgar : Introduction et Allegro, opus 47
George Butterworth : A Shropshire Lad: 1. «Loveliest of trees», 2. «When I was one-and-twenty», 5. «The lads in their hundreds» & 6: «Is my team ploughin?» (arrangement Adrian Williams)
Frank Bridge : Lamentation, H. 117
Stephen C. Foster : Ah! May the Red Rose Live Always – Hard times come again no more (arrangements Wijnand van Klaveren)
Thomas Moore : Oft, in the stilly night – The Minstrel Boy (arrangements Wijnand van Klaveren)

Thomas Hampson (baryton)
Amsterdam Sinfonietta, Candida Thompson (violon, direction)


T. Hampson (© Kristin Hoebermann)


Voici un programme extravagant, expressionniste et apparemment bien conçu – avec en sus des intermèdes pour cordes, qui revigorent l’ouïe entre deux lieder. Une somme d’œuvres parfois essentielles, toujours divertissantes et sans concession à la facilité. Les interprètes ressortent visiblement enthousiastes de ce récital, Thomas Hampson enchaînant les bons mots et les bis (pas moins de trois œuvres supplémentaires), le public applaudit ferveur.


Et pourtant... il nous semble difficile de dissimuler un certain scepticisme à l’écoute des arrangements: aussi expressifs soient-ils, des lieder conçus pour un accompagnement au piano trouvent-ils vraiment leur place dans une grande salle d’orchestre symphonique, le clavier remplacé par un ensemble de cordes? Le cycle A la bien-aimée lointaine devrait être une confidence intime de Beethoven; est-ce encore le cas avec la vingtaine d’instrumentistes qui entourent le baryton? Ce n’est pas qu’une question formelle. Remplacer la nudité du clavier, capable de dialoguer d’égal à égal avec le chanteur, capable par son caractère percussif de poser l’assise rythmique de la partition, capable par sa mobilité de suivre les accélérations fulgurantes de tempo – le remplacer par un ensemble de cordes foisonnantes, soyeuses et dotées d’une inertie mesurable; tout cela non seulement trahit l’esprit et l’esthétique de l’œuvre (ce qui est après tout la prérogative des interprètes) mais entrave de surcroît son exécution. Thomas Hampson est ainsi trop souvent poussé à déclamer son texte avec excès; les mélanges voix/cordes restent des juxtapositions hétérogènes, péchant soit par excès de sur-expressivité (les cordes renforçant outrageusement la sentimentalité de la voix) soit par incompatibilité (le parlé-chanté s’accommodant étrangement avec les tenues mélodiques de l’orchestre). Les arrangements des œuvres de Beethoven et Butterworth perdent ainsi une grande part de leur cohérence; ceux de Stephen Foster et Thomas Moore fonctionnent beaucoup mieux, leur veine folklorique autorisant de bien plus larges marges de manœuvre aux arrangeurs et interprètes.


Les Chants sérieux sortent très nettement du lot (pour être complet, précisons que le lied de Schubert An die Leier donné en bis passe aussi formidablement bien dans son arrangement orchestral, atteignant des sommets dramatiques de récitatif d’opéra). La musique crépusculaire de Hanns Eisler est profondément ambiguë, laissant poindre l’influence sérielle de son maître Arnold Schoenberg, sans pour autant renier des emprunts à la musique populaire – se rapprochant ainsi parfois du langage de Chostakovitch. L’expressionisme de Thomas Hampson que nous trouvions excessif dans le reste du programme trouve ici naturellement sa place et les cordes s’intègrent naturellement au dialogue musical. D’ailleurs, est-ce un hasard? C’est après tout la seule œuvre du programme originellement conçue pour les effectifs présents sur scène – baryton et orchestre à cordes.



Dimitri Finker

 

 

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