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Des débuts prometteurs Paris Salle Pleyel 06/01/2001 - Herbert Willi : Rondino (création française) Max Bruch : Concerto pour violon n° 1, opus 26 Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6, opus 74 « Pathétique »
Nikolaj Znaider (violon) Orchestre philharmonique de Radio France, Manfred Honeck (direction)
De son opéra Schlafes Bruder (1996), le compositeur autrichien Herbert Willi (né en 1956) a tiré une suite et, pour bien marquer qu’il s’agit là d’un opus distinct, pouvant être apprécié sans connaître ledit opéra, il lui a donné un titre différent (Rondino). Ce titre renvoie également à la construction de cette pièce symphonique d’une durée d’environ quinze minutes : dans une structure en arche, elle fait alterner trois brefs mouvements vifs, de caractère massif, scandant violemment des rythmes irréguliers, avec deux mouvements lents, tour à tour quasiment statique (une stratification progressive des différents pupitres) puis énigmatique et erratique (pour cordes seules). Familier de l’univers de son compatriote (il a successivement donné les premières de son opéra et de sa suite), Manfred Honeck défendait vaillamment cette partition d’esprit minimaliste, dans laquelle la nudité et la pauvreté recherchées du matériau musical finissent par introduire une sorte de distance.
Renonçant au Deuxième concerto initialement programmé, Nikolaj Znaider, né au Danemark d’une double ascendance israélienne et polonaise, vainqueur du concours Reine-Elisabeth en 1997, s’est prudemment replié sur le fameux Premier concerto. Toujours est-il qu’il séduit par une sonorité puissante, servie par son Guarneri del Gesu de 1732, une présence scénique spectaculaire, une étonnante facilité apparente et une justesse sans failles. Il donne une lecture au premier degré, vigoureuse et bien campée, de bon aloi pour un tel cheval de bataille. Dans la Troisième sonate (Ballade) d’Ysaÿe qu’il concède en bis, la précision la plus diabolique se conjugue avec un expressionnisme débordant.
Honeck, qui ne s’était pas contenté de battre la mesure dans le Concerto de Bruch, laissant s’ébrouer joyeusement l’Orchestre philharmonique de Radio France, ne recherche ni originalité, ni démesure, ni même une dimension russe dans la Symphonie Pathétique de Tchaïkovski. Franche et sans ambiguïtés, plus puissante qu’alanguie, son interprétation s’inscrit dans la grande tradition germanique. Honeck ne cherche pas à alléger les textures, bien au contraire (la grosse caisse vient ainsi soutenir les roulements de timbales dans le premier mouvement), heureusement sans lourdeur excessive, car il parvient à ne laisser la place à aucun temps mort, sinon peut-être dans le Trio de l’Allegro con grazia. Il obtient des musiciens, notamment des bois, de fort belles sonorités, et reçoit de l’orchestre, qu’il dirigeait pour la première fois, un accueil d’un enthousiasme rare.
Concert diffusé sur France Musiques le mercredi 6 juin à 20 heures.
Simon Corley
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