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Concert des matines décalé et inspiré

Paris
Collège des Bernardins
11/12/2016 -  
Serge Rachmaninov : Vêpres, opus 37
La Tempête, Simon-Pierre Bestion (direction)


S.-P. Bestion (© Yanis Hamnane)


On peut être à la fois décalé et inspiré, comme le démontrent ces Vêpres données à 10 heures au Collège des Bernardins en ouverture du Festival des heures. Rappelons cependant le sous-titre de ce chef-d’œuvre (1915): Louange du soir et du matin; on n’a dérogé à la règle que de moitié...


Précédé d’une brève (et brillante) conférence de notre confrère Didier van Moere, l’ensemble a capella La Tempête a choisi de réagencer les quinze chants que comporte l’œuvre afin d’homogénéiser la liturgie (sacrée) et le concert (profane). Il faut donc jongler rapidement avec les pages du programme afin de suivre le texte correspondant, et apprécier ainsi les différentes mises en espace.


Cette alternance de prières, tropes et litanies prédispose il est vrai à l’investissement des lieux en conformité avec l’écriture chorale: jeu de questions/réponses entre petit et grand chœur, effets dramatiques opposant masse et solo, pupitre de basses sollicité dans l’extrême grave, tel le si bémol de «Maintenant laisse ton serviteur aller en paix» du cinquième chant, que Rachmaninov souhaitait pour ses funérailles (cf. l’excellent Rachmaninov de Jacques-Emmanuel Fousnaquer au Seuil).


Parmi les moments de grâce, épinglons «Lumière joyeuse», où les basses martèlent sotto voce un rythme obstiné qu’enlumine le contrechant des sopranos, quand «Les Six Psaumes» voient les membres du chœur ventilés autour du public. Lorsque des accents archaïsants se font sentir («Tu t’es relevé du tombeau»), la disposition en cercle évoque un colloque secret ou quelque répons de ténèbres avant l’exubérance de «O Reine victorieuse».


Equipé de son indispensable diapason, Simon-Pierre Bestion sait insuffler le tactus propre à chaque chant, l’expression directe de son ressenti intérieur. Il sait aussi s’effacer devant le sublime Ave Maria que constitue «Réjouis-toi, Vierge», également offert en bis: tranchant sur le rapport frontal scène/public, chaque chanteur, qui accroupi, qui allongé, qui la tête penchée sur celle de son voisin, semblait se réciter cette prière in petto avant d’encercler l’heureuse élue («... car tu as enfanté le Sauveur de nos âmes») comme le ferait une crèche vivante.



Jérémie Bigorie

 

 

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