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Magistral triptyque Lyon Opéra 11/17/2016 - et 18, 19*, 20, 22, 23, 24, 26 (Lyon), 29, 30 novembre, 1er, 2, 3 (Créteil), 6 (Beauvais), 8, 9 (Cergy-Pontoise), 13 (Sénart), 15, 16, 17 (Nanterre) décembre 2016, 4, 5, 6 janvier (Grenoble), 6 (Valence), 9, 10 (Rouen) février, 25, 26, 27 avril (Lille) 2017 Grande Fugue Lucinda Childs (chorégraphie), Ludwig van Beethoven (musique)
Dominique Drillot (scénographie, lumières et costumes)
Die Grosse Fuge
Anne Teresa De Keersmaeker (chorégraphie), Ludwig van Beethoven (musique)
Jean-Luc Ducourt (mise en scène), Rosas (costumes), Jan Joris Lamers (décors et lumières), Ann Weckx (costumes)
Grosse Fugue
Maguy Marin (chorégraphie), Ludwig van Beethoven (musique)
Chantal Cloupet (costumes), François Renard (lumières)
Grande Fugue
Il est exceptionnel et passionnant de pouvoir assister au cours du même spectacle à trois chorégraphies différentes réglées sur une même musique. Et quelle musique! La Grande Fugue de Beethoven, à l’origine conçue comme final du Treizième Quatuor, fugue à deux sujets et à variations selon Vincent d’Indy, une des pièces tardives les plus complexes et modernes de sa production chambriste.
Pour cette confrontation singulière Yorgos Loukos, directeur du Ballet de l’Opera de Lyon (BOL), a choisi trois femmes chorégraphes parmi les plus douées de leurs générations, l’Américaine Lucinda Childs, dont la pièce est une création pour cette compagnie, la Belge Anne Teresa De Keersmaeker et la Française Maguy Marin, dont les pièces étaient déjà au répertoire du BOL depuis quelques années.
Profitant de la présence à Lyon de Lucinda Childs pour la re-création de sa pièce Danse, Loukos lui a commandé cette Grande Fugue que l’Américaine a choisi de régler sur une version orchestrée de la partition réalisée par les cordes de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. Childs a cherché à dégager les grandes lignes de cette musique et opté pour une chorégraphie néoclassique, très naturelle, géométrique, qui n’est pas sans évoquer Balanchine avec six couples qui évoluent dans une belle symétrie en figures très élégantes et répétitives avec des variations dans toutes les configurations de nombres possibles. La scénographie est simple, sur un fond clair et jouant beaucoup sur les éclairages somptueusement réalisés tout comme les costumes bleutés légers et chics par Dominique Drillot. C’est un grand et passionnant paradoxe dans la production de cette chorégraphe de la mouvance postmoderne, dont les compositeurs de prédilection sont Philip Glass et John Adams. Des trois chorégraphies, c’est celle qui reste le plus en phase avec l’écriture beethovénienne.
Die Grosse Fuge
Die Grosse Fuge, à sa création à Bruxelles en 1992 par la compagnie Rosas, faisait partie d’un ensemble plus vaste nommé Erts. Anne Teresa De Keersmaeker lui a fait subir plusieurs avatars au fil des reprises notamment dans la répartition des danseurs et c’est la version pour huit interprètes, sept hommes et une femme, qui figure au répertoire du BOL depuis 2006. On avait pu la voir en 2001 au Théâtre de la Ville lors d’une soirée d’hommage pour le vingtième anniversaire de Rosas. La version pour quatuor à cordes choisie (par le Quatuor Debussy) tranche d’emblée avec la pièce précédente malgré la coupure de l’entracte qui, dans ce cas précis, le spectacle durant trois fois vingt minutes, aurait gagné à être sacrifié à la tension dramatique du projet. La chorégraphie en noir et blanc est tendue, théâtrale, voulant exprimer à la fois la grande complexité d’écriture du contrepoint comme sa tension dramatique. Bien que l’on reste dans l’abstraction on a l’impression que les danseurs cherchent à exprimer des idées sur l’écriture musicale. On court beaucoup et l’épisode central (réexposition au ton principal) est l’occasion d’une phase de répit avec une tendre péripétie au sol. Le vocabulaire chorégraphique est beaucoup plus sportif avec ses courses, vrilles, sauts, chutes et ruptures très typiques du style de la chorégraphe. Des trois pièces, c’est certainement la plus spectaculaire et captivante.
Grosse Fugue (© Bertrand Stofleth)
Réglée pour quatre danseuses, Grosse Fugue de Maguy Marin, créée à Meyzieu en 2001, est aussi au répertoire du BOL depuis 2006. La manière de Maguy Marin, avec une approche très intellectuelle et torturée, éclate dès les premières mesures quand les quatre danseuses vêtues de rouge sur un fond noir se lancent comme des électrons libres dans une danse bouillonnante et passionnée qui n’est jamais déphasée par rapport aux lignes musicales mais toujours un peu au-delà de leur charge émotionnelle. Une véritable bourrasque envahit la scène comme une course à l’abîme sur une version du Quartetto Italiano.
Il ne faudra pas manquer ce superbe triptyque qui sera présenté par le festival d’Automne dans le cadre du portrait-rétrospective à Lucinda Childs dans la banlieue parisienne et dans une tournée française qui permettra sa diffusion auprès d’un grand nombre de spectateurs.
Olivier Brunel
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