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Minkowski et les sortilèges

Paris
Philharmonie
11/08/2016 -  et 6 novembre 2016 (Bordeaux)
Christoph Willibald Gluck: Armide
Gaëlle Arquez (Armide), Stanislas de Barbeyrac (Renaud), Florian Sempey (Hidraot), Thomas Dolié (Aronte, Ubalde), Aurélia Legay (La Haine), Harmonie Deschamps (Phénice, Mélisse, Un plaisir), Olivia Doray (Sidonie, Lucinde, La bergère, Un plaisir), Enguerrand de Hys (Artémidore, Chevalier danois), Constance Malta-Bey (Naïade, Coryphée), Luc Seignette, Jean-Philippe Fourcade (Coryphées)
Chœur de l’Opéra de Bordeaux, Salvatore Caputo (chef de chœur), Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)


M. Minkowski (© Marco Borggreve)


Entre Armide et Marc Minkowski, l’histoire est ancienne et l’on garde précieusement dans sa discothèque le mémorable live de 1996, avec Mireille Delunsch. Il revient aujourd’hui au deuxième opéra purement français après Iphigénie en AulideOrphée et Alceste étant adaptés de l’italien : représentations à Vienne, dans une mise en scène d’Ivan Alexandre, concerts à Bordeaux et à la Philharmonie de Paris, toujours peu satisfaisante quand il s’agit des voix. L’acoustique, du moins au balcon, noie les syllabes alors que chacun maîtrise impeccablement les principes de la déclamation, fondement de cette tragédie lyrique qu’a renouvelée l’ancien professeur de Marie-Antoinette.


Naturellement mezzo, Gaëlle Arquez possède-t-elle tous les moyens d’Armide, qu’elle aborde fort tôt dans sa carrière et qui exige ce que plus tard on appellera un falcon ? L’émission paraît parfois forcée, ce qui assèche un peu le timbre et le rend assez monochrome : le chant, du coup, reste ici ou là trop droit. Mais le style et la présence en font la magicienne vaincue par l’amour. On comprend qu’elle succombe au Renaud de Stanislas de Barbeyrac, incontestablement le meilleur de tous : voix à la fois mâle et souple, phrasé délié, ligne noble et raffinée – superbe « Plus j’observe ces lieux », le fameux air du sommeil. Légère déception en revanche du côté de l’Hidraot de l’excellent Florian Sempey, qui a tendance à se raidir, surtout dans le grave. Aurélia Legay est soprano : sa Haine manque de corps dans le registre central, ce que rachète la force de la composition. Excellents seconds rôles, notamment Enguerrand de Hys en Artémidore et Chevalier danois. On fait donc quelques réserves, mais l’ensemble est très beau, ne serait-ce que parce qu’on se croirait au théâtre. Le chœur bordelais, très bien préparé par Salvatore Caputo, y contribue aussi.


Pas seulement à cause de la mise en espace – avec canapé, sceptre magique et miroir en guise de bouclier. Les représentations viennoises ont marqué les chanteurs. Et, surtout, Marc Minkowski, incontestable ici, dirige Armide comme un thriller en musique, avec un sens de l’urgence dramatique qui jamais ne se relâche. La fin du troisième acte, d’une noirceur infernale, est impressionnante. Mais il sait aussi, au deuxième, trouver le secret des enchantements capiteux. L’exacerbation des contrastes, loin de fragmenter le flux musical, lui donne ici un incomparable relief.



Didier van Moere

 

 

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