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Cérémonie religieuse Geneva Victoria Hall 11/05/2016 - et 13, 14 (Humlebæk), 16 (Oslo), 18 (Friedrichshafen), 23 (Stockholm), 27 (Nürnberg), 30 (Frankfurt) octobre, 2 (Treviso), 7 (Basel), 9 (Baden-Baden), 11 (Schweinfurt), 13 (Leipzig), 16 (Paris), 19 (Luzern), 25 (Brugge), 27 (Warszawa) novembre, 5 (Lyon), 7 (Wien), 9 (Amiens), 11 (Luxembourg) décembre 2016 Wolfgang Amadeus Mozart: Sonate pour piano n° 15, K. 545 – Fantaisie en ut mineur, K. 475 – Sonate pour piano n° 14, K. 457
Robert Schumann: Arabesque, opus 18 – Fantaisie, opus 17
Grigory Sokolov (piano)
G. Sokolov (© Mary Slepkova/DG)
Nous vivons à une époque de progrès technologique qui permet la dissémination de documents artistiques de façon instantanée partout dans le monde. Si ceci a permis de faire connaître de nombreux talents et de nombreuses œuvres, une autre conséquence inattendue est que trop souvent, les jeunes pianistes ont du mal à faire émerger leur voix et rares sont les personnalités d’exception. C’est sans doute pourquoi à Genève comme de par le monde, la profonde originalité de Grigory Sokolov lui a permis de bâtir un public fidèle, particulièrement attentif, et que pour cette soirée, la salle du Victoria Hall était pleine.
Ce qui frappe dans le jeu de Sokolov est l’incroyable qualité de son toucher. Les reprises des sonates de Mozart sont respectées mais les morceaux ne sont pas répétés de façon automatique et sont l’occasion pour le pianiste d’ajouter des ornementations, de quelque peu modifier le phrasé et de modifier les couleurs. Les tempi sont globalement modérés mais il n’y a aucune lourdeur et l’architecture et les nombreux changements de tonalité ressortent avec autant plus de naturel. Nous sommes à des lieux du Mozart brillant, divertissant et peut-être un peu superficiel. Ce Mozart a déjà une dimension beethovénienne et une richesse harmonique schubertienne.
Ce sont des qualités similaires que l’on retrouve dans la seconde partie, consacrée à Robert Schumann. Sokolov, grand interprète de Bach, est dans son élément dans la richesse de la polyphonie de Schumann et fait ressortir la ligne mélodique de l’Arabesque avec naturel. Le premier mouvement de la Fantaisie manque peut-être en revanche de continuité. Il y a beaucoup de moments un peu déconnectés mais ces moments sont tous sublimes. Le mouvement lent final se déroule avec naturel et grandeur.
Comme c’est toujours le cas, Sokolov donne une longue série de bis des Moments musicaux de Schubert dans la continuité de ses Mozart, la Mazurka opus 68 n° 2 de Chopin avec une vague de trilles impressionnante, et enfin les Canopes de Debussy dans une lumière tamisée mi-obscure pleine de poésie.
Il y a dans les habitudes de Sokolov un cérémonial qui est à mille lieux de ce dont on a l’habitude : une salle plongée dans une semi- obscurité, les pièces s’enchaînent sans que le pianiste sorte de scène et sans la moindre pause (sept mouvements de Mozart joués en continu !), la démarche un peu automatique du pianiste et surtout ces avalanches de bis donnés systématiquement à chaque soirée. Nous ne sommes pas au dans un concert classique mais plutôt dans un rituel quasiment religieux. Le public n’est pas là pour être diverti mais se retrouve dans des conditions où il doit se plonger dans la musique pour une expérience profonde bien plus exigeante. Voici pourquoi le miracle Sokolov se produit année après année, voici pourquoi un tel récital est exceptionnel.
Antoine Lévy-Leboyer
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