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La folle journée London Coliseum 05/19/2001 - et: les 10, 14, 17, 22, 24 et 26 mai 2001 Giuseppe Verdi: Falstaff Andrew Shore (Sir John Falstaff), Yvonne Kenny (Mistress Alice Ford), Ashley Holland (Ford), Susan Gritton (Nannetta Ford), Toby Spence (Fenton), Rebecca de Pont Davies (Mistress Quickly), Alice Coote (Mistress Meg Page), Stuart Kale (Dottore Caius), Richard Roberts (Bardolfo), Clive Bayley (Pistola) Matthew Warchus (mise en scène originale), Steven Stead (réalisation de la mise en scène), Laura Hopkins (décors et costumes), Peter Mumford, Jenny Cane (éclairages), Jonathan Lumm (chorégraphie) English National Opera Chorus and Orchestra, Stephen Harris (chef de chœur), Paul Daniel (direction musicale) Co-production avec l'Opera North et le New Israeli Opera Evidemment, il est un peu étrange pour un Français d’assister à un opéra italien interprété en anglais, de surcroît lorsqu’il s’agit de Falstaffoù les mots ont une telle importance. Mais après tout, Verdi s’étant lui-même inspiré de Shakespeare, pourquoi pas ? Et finalement on se fait progressivement à cette traduction, d’autant que les chanteurs articulent très bien le texte anglais. C’est une tradition de longue date : l’English National Opera propose toute sa programmation dans la langue parlée du public dans un souci de meilleure compréhension. Elle complète celle du Royal Opera House Covent Garden où désormais tout opéra est donne dans sa langue d’origine. Installée au Coliseum, charmant théâtre qui ne demanderait qu’à être rafraîchi (ce qui est d’ailleurs prévu pour bientôt), l’English National Opera privilégie également le principe d’une troupe permanente composée de « company principals » renforcée par des artistes invités (« guest artists », en général d’anciens membres de la troupe ayant acquis une certaine notoriété nationale, voire internationale et qui reviennent occasionnellement), avec évidemment une prédominance anglo-saxonne. Cette représentation permet d’ailleurs de faire le point sur l’état de l’école de chant anglaise et si l’on se base sur ce Falstaff il y toutes les raisons d’être optimiste. Le spectacle proposé est une reprise de 1997, en fait une coproduction avec l’Opera North, ce qui explique que le décor (par ailleurs fort ingénieux) de Laura Hopkins soit étonnement réduit par rapport à un cadre de scène assez grand, les dimensions des différentes salles faisant partie de l’Opera North n’étant pas comparables à celles du Coliseum qui a une jauge de 2300 places (à peine moins que l’Opéra-Bastille finalement !). Il s’agit d’une mise en scène traditionnelle, suivant à la lettre le livret, habile dans ses enchaînements de décor mais sans la pertinence du propos de Willy Decker à la Monnaie récemment. L’œuvre est en tout cas respectée et la direction d’acteur est impeccablement réglée. La distribution de haut niveau est dominée par l’énorme Falstaff d’Andrew Shore, qui vaut bien mieux que notre vociférant Lafont national ; sans être particulièrement belle (qualité d’ailleurs bien inutile pour ce rôle), la voix est percutante et sonore et l’acteur est magnifique de vérité dramatique, tour à tour ridicule, touchant, nostalgique et digne. Un grand interprète qui retrouvera le rôle outre-Atlantique cet été au Festival de Santa Fe. On peut aussi mettre en avant le jeune couple d’amoureux : Susan Gritton, délicieuse Nannetta chantant son air avec beauté et un souffle sans faille (mais on s’inquiète de la voir déjà mettre à son répertoire Fiordiligi la saison prochaine !) et Toby Spence, inattendu dans le rôle de Fenton de part sa légèreté vocale mais qui convainc tout de même par la justesse de ses accents et évidemment un physique idéal pour le rôle. Ashley Holland met un peu de temps à imposer son Ford mais il finit par y arriver, donnant en particulier une touchante intensité à sa scène « E sogno ? o realtà… ». Yvonne Kenny serait idéale en Alice Ford par son tempérament pétillant, sa voix bien menée et timbrée si l’extrême aigu n’était pas aussi dur. Alice Coote et Stuart Kale, respectivement Meg et Caius, se font remarquer ce qui est déjà en soi un exploit ! La seule déception vient de Rebecca de Pont Davies en Quickly, mezzo-soprano courte qui n’a pas du tout la voix du rôle, en particulier les graves sans que le jeu, fort convenu, puisse compenser cette grave lacune. Du côté de la fosse, on louera la capacité de Paul Daniel, directeur musical de L’English National Opera, à maîtriser les périlleux ensemble et sa direction à la fois fine et énergique.
A quelque pas de là, c’est le quartier West End avec ses comédies musicales plus ou moins intéressantes et je n’ai pu résister au plaisir de revoir Chicago de Fred Ebb et John Kander (les auteurs de Cabaret) à l’Adelphi Theatre. Ce chef d’œuvre du genre, créé par Bob Fosse dans les années 70, a souffert d’être éclipsée par le succès de Cabaret mais refait maintenant un come back réussi. Le spectacle, importé de Broadway, réalisé par Walter Bobbie ne souffre d’aucun temps mort ; la musique de John Kander est d’une rare inventivité et la chorégraphie d’Ann Reinking « in the style of Bob Fosse » (ainsi que le précise l’affiche) est un modèle. Programmée depuis presque quatre ans, la production londonienne a perdu ses stars d’origine (les inoubliables Ruthie Henshall et Ute Lemper) mais la distribution actuelle bien que donc d’un cran en dessous est encore très digne et défend cette œuvre avec enthousiasme et brio et surtout sans routine (au rythme de huit représentations par semaine !). Citons donc les interprètes principaux de cette matinée du 19 mai : Denise Van Outten (Roxie Hart), Leigh Zimmerman (Velma Kelly), Michael Simkins (Billy Flynn), Barry James (Amos Hart), Odette Perdrisat (Mama Morton), Mattie Clay-White (Mary Sunshine), Vanessa Leagh-Hicks (Annie), Emma Gray (Go-To-Hell Kitty), l’orchestre étant dirigé par un Robert Purvis déchaîné.
Chicago en matinée, Falstaff en soirée, le soleil en prime, que demander de plus ?
Christophe Vetter
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