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Berlioz rebattu par Shakespeare

Toulouse
Théâtre du Capitole
09/30/2016 -  et 2, 4, 7, 9, 11 octobre 2016
Hector Berlioz : Béatrice et Bénédict, H. 138
Julie Boulianne (Béatrice), Joel Prieto (Bénédict), Lauren Snouffer (Héro), Gaia Petrone (Ursule), Aimery Lefèvre (Claudio), Bruno Praticò (Somarone), Thomas Dear (Don Pedro), Pierre Barrat (Léonato), Sébastien Dutrieux (Don Juan)
Chœur du Capitole, Alfonso Caiani (chef de chœur), Orchestre national du Capitole, Tito Ceccherini (direction musicale)
Richard Brunel (mise en scène), Catherine Ailloud-Nicolas (dramaturgie), Sandrine Lanno (collaboration artistique), Anouk Dell’Aiera (décors), Claire Risterucci (costumes), Laurent Castaingt (lumières)


(© Patrice Nin)


Le quatrième centenaire de la mort de Shakespeare inspire heureusement le Théâtre du Capitole pour son ouverture de saison, qu’il place à l’enseigne de Berlioz, grand admirateur de l’œuvre du dramaturge anglais. Adapté de Beaucoup de bruit pour rien, Béatrice et Bénédict affirme une légèreté à laquelle n’a pas voulu céder Richard Brunel, dont la production a subi les hasards néfastes du calendrier, étrennée à Bruxelles quelques jours après les attentats de mars dernier. Du contexte de retour victorieux des combats, arrière-fonds anecdotique où se développent les intrigues amoureuses à une époque au demeurant bien plus belliqueuse que la nôtre, le metteur en scène a choisi d’en accentuer la dimension tragique: les décors d’Anouk Dell’Aiera soulignent les stigmates des batailles, d’un plafond éventré aux matelas de fortune en passant par un mur de portraits funèbres en mémoire des soldats qui ont laissé leur vie sous les armes, tandis que les costumes dessinés par Claire Risterucci font la part belle à la garde-robe militaire avant celle du marivaudage.


L’issue de l’intrigue a été retravaillée pour intégrer des éléments de la pièce shakespearienne, à l’exemple de la mise en doute de l’honneur de Héro, avec quelques déplacements dramaturgiques discutables – Somarone devenant le coupable à la place de Don Juan, sans que se puisse justifier cet artifice, Berlioz ayant laissé de côté ce rebondissement. Peut-être faut-il comprendre les noces du frère bâtard de Don Pedro avec Ursule à la suite de celles liant les héros éponymes de l’ouvrage comme l’aboutissement d’une revanche mise en échec par Shakespeare, en totale contradiction avec la fin heureuse de la source théâtrale comme de l’opéra, sinon de son génie, le couple comique arrivant après le mariage romantique. Il n’est pas jusqu’aux lumières de Laurent Castaingt qui ne participent d’une atmosphère blafarde hors sujet d’un spectacle confondant gravité et profondeur.


On pourrait espérer se rattraper sur une direction d’acteurs en fin de compte passablement dépendante du talent des interprètes, si ce n’est le jeu de chaire suspendue, clin d’œil que l’on aimerait irrévérencieux. On remarquera d’abord Julie Boulianne, qui fait palpiter par son timbre charnu et savoureux une Béatrice délicieusement mutine. Entendu dans Dona Francisquita il y a deux ans, Joel Prieto privilégie un Bénédict ensoleillé çà et là perfectible. Gaia Petrone contraste en Ursule au mezzo nourri avec la Héro acidulée sinon pâle de Lauren Snouffer. Aimery Lefèvre ne démérite pas en Claudio, même si l’on peut préférer le moelleux du Don Pedro incarné par Thomas Dear. Bruno Praticò imprime à Somarone un exotisme audible dans la diction, tandis que Pierre Barrat déclame un Léonato hésitant entre la docte posture et la bienveillance. Sébastien Dutrieux assume avec aplomb les interventions de Don Juan.


Préparés par Alfonso Caiani, les chœurs affichent une cohésion qui ne lèse pas trop l’intelligibilité du livret. Affrontant son premier Berlioz, Tito Ceccherini s’appuie sur les couleurs généreuses de l’Orchestre national du Capitole pour mettre en avant la palette expressive de la partition, laquelle semble un peu prisonnière d’une conception scénographique trop méfiante envers la jubilation de l’inspiration musicale.



Gilles Charlassier

 

 

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