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Otello: la beauté et l’erreur

Madrid
Teatro Real
09/15/2016 -  et 16, 18, 19, 21, 22, 24, 25, 27*, 29, 30 septembre, 2, 3 octobre 2016
Giuseppe Verdi: Otello
Gregory Kunde*/Alfred Kim (Otello), Ermonela Jaho*/Lianna Haroutounian (Desdemona), George Petean*/Angel Odena (Iago), Alexey Dolgov*/Xavier Moreno (Cassio), Gemma Coma-Alabert (Emilia), Vicenç Esteve (Roderigo), Fernando Radó (Ludovico), Isaac Galán (Montano, Un hérault)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Pequenos Cantores de la Comunidad de Madrid, Ana González (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Renato Palumbo (direction musicale)
David Alden (mise en scène), Jon Morrell (décors et costumes), Adam Silverman (lumières), Maxime Braham (chorégraphie)


G. Petean, E. Jaho, G. Kunde (© Javier del Real/Teatro Real)


En un sens, c’est une belle manière de lancer une saison pleine de promesses: un Otello dont le chant domine les autres composantes, limitées à soutenir des voix dont la beauté se met au service de la tragédie, de lignes de chant définissant les situations. Mais la scène n’accompagne pas comme il faut le sens de la dramaturgie musicale: des décors volontairement laids, et même doublement laids – ce n’est pas la décadence, mais la recherche de la saleté perdue; une direction d’acteurs efficace mais sans la dimension «sociale» du rôle-titre (l’outsider, immigrant et dédaigné par racisme, devenu chef de l’armée de la République); un pot-pourri de costumes sans trop de sens, parfois vraiment laids, donnant à la pauvre Emilia une allure qui la fait souffrir; un orchestre ordonné, efficace, mais sans degré supérieur d’inspiration; une baguette sage et limitée... tout pour un trio de voix qui domine toute l’action, les autres voix, peu nombreuses, étant à leur service.


On a dit que Iago est le vrai héros, et cela signifie quelque chose de pénétrant dans l’interprétation de cette tragédie. Dans la récente mise en scène de Paco Azorín, Iago est, justement, un metteur en scène (voir ici). Il profite des faiblesses du parvenu talentueux en le conduisant vers la détresse. Déployant une puissance vocale athlétique (son «Credo») plus que des chuchotements pour les ruses (qui ne manquent certes pas), George Petean réalise une belle incarnation vocale et même théâtrale, comme comédien pour ce rôle de «méchant», malgré son aspect tout à fait bon enfant.


L’Albanaise Ermonela Jaho est extraordinaire. On l’a vue en Violetta l’année dernière. Elle n’a pas besoin d’une voix trop puissante, même si de temps en temps elle nous fait bondir par de forts aigus, mais le raffinement de sa ligne l’emporte surtout dans la diminution du son, dans le piano et, spécialement, dans sa maîtrise avec les filati: quelle émotion, quelle attention dans le public quand Jaho fait languir ou maigrir le son! Une Desdémone inoubliable. Il faut reconnaître que cet avis n’a pas été partagé par l’ensemble de la critique, certains ayant trouvé cette Desdémone «trop soubrette». A mon avis, elle est la fille, la sœur, la femme dont la vertu et l’innocence sont mises en valeur plus que d’autres apanages.


Que dire de Gregory Kunde? Pour Otello, il faut un ténor entre lyrique et dramatique, et l’approche «Helden» ne nuit aucunement à son rôle. Justement, Kunde est très approprié, doublé d’un véritable artiste, autrefois adapté à des rôles belcantistes donizettiens, et aujourd’hui à des héros comme Manrico ou Samson. Son Otello, malgré le manque de définition du geste social, brille par l’excellence individuelle (la folie progressive des actes II et III) mais aussi dans le grand ensemble, ce chef-d’œuvre qui clôt presque l’acte III.


Avec un trio de vedettes comme Jaho/Kunde/Petean, on peut dire qu’on a gagné la moitié de la partie. L’autre moitié a été très bien servie, avec des voix comme celle du ténor russe Alexey Dolgov (Cassio) ou de la mezzo Gemma Coma-Alabert, dans le rôle bref et décisif d’Emilia. Mais il y a aussi le chœur, pour un opéra où l’ensemble des voix entourent les héros, les appellent et interpellent, surprises, voire interloquées. Une nouvelle fois, le chœur dirigé par Andrés Máspero s’est comporté comme un ensemble de voix splendides et comme une troupe de bons comédiens en action. La direction d’orchestre, on l’a déjà évoqué, est correcte mais faible. Le jeu scénique (décors, costumes, définition des rôles) laisse un goût douceâtre de banalité habillée de prétentions – des références à la politique ou à une histoire assez proche dans la laideur et le délabrement des décors? Les danseurs, et spécialement une danseuse (une possédée, une sorcière, la personnification du mal, nous ne savons pas), mettent une touche «d’enfer» dans le cheminement de la vengeance de Iago.


Parallèlement à cet Otello, le Teatro Real offre une exposition, en collaboration avec Ricordi, d’images, partitions, petits objets de ce sommet du théâtre lyrique. Un très beau complément.


La saison promet de beaux moments. Elle ne fait que commencer.


Le site du Teatro Real


Le spectacle en intégralité sur le site The Opera Platform:






Santiago Martín Bermúdez

 

 

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