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Robert Carsen, le metteur en scène poète Gent De Vlaamse Opera 05/16/2001 - à Gent: les 6, 9, 11 et 13 mai; à Antwerpen les 24, 26, 29 mai, 1er et 3 juin 2001 Leos Janacek: La Petite Renarde Rusée (Prihody Lisky Bystrousky)
Rosemary Joshua (Bystrouska, la Renarde), David Pittman-Jennings (le Garde-chasse), Hanne Fischer (le Renard), Guy De Mey (Le Maître d'Ecole), Michail Schelomjanski (le Blaireau/le Curé), Romain Bischoff (Harasta, un Marchand ambulant), Corinne Romijn (Lapak, le Chien), Mireille Capelle (l'Epouse du Garde-chasse/la Chouette), Annelies Markens (le Coq/le Geai), Eric Raes (Pasek, l'Aubergiste), Beatrijs Desmet (Paskova, l'Epouse de l'aubergiste/le Pivert), Ianthe Tavernier (la jeune Renarde), Tobias Hermans (Pepik), Emmanuel Jacobs (Frantik), Christa Biesemans, Deborah McClung, Min Pauwels, Ginette Quartier, Marina Smolders, Yvonne Van Bree, Vera Van Melckebeke, Anja Wilbrink, Rachael McCall (les Poules), Arthur Vermeyen, Evelyne Willaert, Tobias Hermans (les jeunes Renards), Robert Carsen (mise en scène), Patrick Kinmonth (décors et costumes), Robert Carsen et Peter Van Praet (éclairages), Philippe Giraudeau (chorégraphie), Ian Burton (dramaturgie), Kinderkoor en Koor van de Vlaamse Opera, Peter Burian (chef des choeurs), Symfonisch Orkest van de Vlaamse Opera, Marc Albrecht (direction musicale)
La collaboration régulière entre Robert Carsen et l’Opéra des Flandres qui a débuté en 1990 est certainement l’une des plus mémorables expériences de ce genre. Cette Petite Renarde Rusée est déjà la onzième production qui est proposée à ce metteur en scène et la réussite est à nouveau au rendez-vous. Sans dénigrer le travail de Carsen pour des salles plus vastes, telles que l’Opéra-Bastille (on se souviendra longtemps de sa récente réalisation des Contes d’Hoffmann à Paris), il semble que la dimension plus humaine de l’Opéra de Gand (ou d’Anvers) est idéale pour cet artiste capable de conduire le spectateur vers une émotion profonde, tout en lui permettant de réfléchir et de mieux comprendre une œuvre grâce à une approche d’une intelligence rare, une réflexion jamais gratuite et toujours respectueuse du livret et de la musique. Peu de metteurs en scène actuels peuvent en dire autant comme en témoigne encore le véritable massacre infligé par Inga Levant à la récente production de Die Tote Stadt à Strasbourg et au Châtelet. Ce soir, bien au contraire, Carsen joue la carte de la poésie, de la légèreté, de la fantaisie mais aussi de la gravité dans une articulation dramaturgique parfaite ; on en regretterait presque la présence d’un entracte, tant les enchaînements des scènes se font naturellement. Carsen renonce fort intelligemment à représenter de manière réaliste les animaux et la forêt, en accord avec l’idée de Janacek que le monde des animaux et celui des humains pourraient être analogues et que l’on peut transposer de l’un à l’autre des situations similaires. Le décor de Patrick Kinmonth est stupéfiant : des monticules de linges colorés forment une trame unique qui variera selon les nombreuses scènes qui se succèdent très rapidement avec naturel et simplicité. C’est tout particulièrement dans cette manière si souple d’utiliser un décor que le travail de Carsen est admirable tant il passe inaperçu. Les personnages glissent avec légèreté, se faufilent, tombent, se cachent ; le contexte de chaque scène est posé en quelques secondes par des accessoires simples mais éloquents. On admire aussi la beauté et la variété des costumes de Patrick Kinmonth et les éclairages subtils que Carsen signe pour la première fois dans une de ses productions (en collaboration avec Peter Van Praet), tout comme la chorégraphie discrète de Philippe Giraudeau contribuent à la beauté du spectacle. Ainsi n’oubliera-t-on pas de sitôt la scène de chasse des poules traitée avec un humour poétique, la rencontre avec le Renard et la séduction qui s’ensuit avec un effet contagieux assez drôle aux autres animaux de la forêt, la poignante mort de la Renarde finalement pas assez rusée pour échapper au fusil du marchand ambulant Harasta, et enfin, l’émouvante apparition de sa fille, son portrait craché en miniature dans sa gestique corporelle dans la conclusion (et le départ d’un nouveau cycle de la vie) Les interprètes, tous remarquables, ont particulièrement profité de l’experte direction d’acteur de Robert Carsen : Rosemary Joshua, à la voix fraîche et colorée, est adorable à souhait ; le garde-chasse de David Pittman-Jennings est incarné avec musicalité et une santé vocale réconfortante. On notera parmi les nombreux autres rôles l’efficacité de Guy De Mey et Michail Schelomjanski, en regrettant par ailleurs les difficultés dans l’aigu d’Hanne Fischer, diminuant l’impact de sa prestation scénique dans le rôle du Renard. L’orchestre déçoit un peu au début de la représentation par une sécheresse peu appropriée mais Marc Albrecht finit peu à peu par convaincre de la qualité d’une musique reconnaissable entre toute et qui s’impose petit à petit sur les scènes d’opéra. Une soirée mémorable, peut-être la plus belle de la saison à l’Opéra des Flandres.
Des photos sur ConcertoNet.TV Christophe Vetter
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