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Rigoletto en plein air et à pleines voix

Poitiers
Sanxay (Théâtre gallo-romain)
08/08/2016 -  et 10, 12 août 2016
Giuseppe Verdi : Rigoletto
Carlos Almaguer (Rigoletto), Stefan Pop (Duc de Mantoue), Olga Pudova (Gilda), Felipe Bou (Sparafucile), Ketevan Kemoklidze (Maddalena), Nika Guliashvili (Monterone), Aline Martin (Giovanna), Armen Karapetyan (Marullo), Blandine Folio Peres (Comtesse de Ceprano), Fabien Leriche (Comte de Ceprano), Alfred Bironien (Borsa)
Chœur des Soirées lyriques de Sanxay, Stefano Visconti (chef de chœur), Orchestre des Soirées lyriques de Sanxay, Eric Hull (direction musicale)
Agostino Taboga (mise en scène), Shizuko Omachi (costumes), Andrea Tocchio (scénographie), Virginio Levrio (création vidéo), Soirées lyriques de Sanxay (décors)


(© Patrick Lavaud)


En mettant à l’affiche une nouvelle production de Rigoletto, Sanxay retrouve un ouvrage qui avait inauguré l’aventure lyrique dans le théâtre gallo-romain au bord de la Vonne un soir de l’été 2000. Seize ans plus tard, l’initiative de Christophe Blugeon a sensiblement contribué à démocratiser l’opéra dans une région – (feue) Poitou-Charentes – qui était la seule de France métropolitaine à ne pas disposer de salle dédiée à l’art lyrique. Avec une moyenne de huit à dix mille spectateurs par édition, et sans compter l’ensemble des actions pédagogiques au fil de l’année, le festival de Sanxay se place non seulement parmi les principaux rendez-vous estivaux pour les amateurs de gosiers, mais, inscrit au cœur d’une région rurale en marge des grands équipements culturels, participe peut-être encore davantage de l’aménagement du territoire que le snobisme aixois ou le gigantisme d’Orange, abreuvé par une manne touristique bénéficiant de l’assurance soleil.


Le spectacle réglé par Agostino Taboga confirme que l’exigence artistique n’a nul besoin de se prostituer pour se rendre accessible à un large public. Tirant parti du cadre naturel et de son acoustique favorable, la mise en scène, d’une sobriété efficace, fait passer les protagonistes au travers d’une sorte de portique au milieu du plateau, aux fonctions herméneutiques d’une pertinente versatilité, tour à tour entrée vers la débauche de la cour de Mantoue, seuil de la demeure de Rigoletto ou encore de la sinistre masure de Sparafuccile. L’adjonction vidéographique de Virgilio Levrio accompagne les vertus suggestives de la scénographique due à Andrea Tocchio, que ne démentiront pas les costumes dessinés par Shizuko Omachi, à égale distance entre l’histoire et le théâtre. Quant au tomber de rideau final, il joue habilement du voisinage de la rivière pour une conclusion à la fois poétique et réaliste – sans doute un condensé de l’esprit de la production.


Dans le rôle-titre, Carlos Almaguer impose une vindicte fébrile: sans s’embarrasser de minauderies psychologiques en guise de raffinement, il assume une vérité qui ne s’abîme pas dans la crudité vocale où d’autres incarnations ont pu le faire choir. En Gilda, Olga Pudova affirme une musicalité aérée autant qu’aérienne, maîtrisant avec virtuosité une tessiture dont elle exalte les ressources expressives que ses deux airs dévoilent admirablement. Stefan Pop réserve un Duc de Mantoue généreux, éclatant dans ses premières interventions, mais au goût nettement plus douteux dans sa «plume au vent». On appréciera le Sparafucile solide du prometteur Felipe Bou, tandis que Ketevan Kemoklidze nourrit une remarquable Maddalena, charnue et colorée. Nika Guliashvili condense la blessure paternelle de Monterone, avec un sentiment peut-être au-delà des moyens. Le trio courtisan réunissant Marullo, Ceprano et Borsa ne manque pas d’atouts avec les incarnations respectives d’Armen Karapetyan, Fabien Leriche et Alfred Bironien. Mentionnons encore les interventions d’Aline Martin et Blandine Folio Peres, Giovanna et Comtesse de Ceprano qui ne déméritent point. Sous la houlette émérite de Stefano Visconti, les chœurs assument admirablement leur partie, quand la baguette avertie d’Eric Hull participe d’une restitution efficace du génie de l’ouvrage que le plein air n’a pas éventé. Ce bel exemple de passion partagée rend d’autant plus regrettables les menaces budgétaires et l’hypothèque sécuritaire imposées par des élus et des administrations qui ne mesurent pas assez les vertus de l’«élitisme» artistique pour tous.



Gilles Charlassier

 

 

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