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Clarinette plurielle Saint-Etienne Pommiers (Eglise Saint-Pierre et Saint-Paul) 08/06/2016 - Wolfgang Amadeus Mozart : Quintette avec clarinette, K. 581
Improvisations Michel Portal (clarinette), Yossif Ivanov, Elise Thibaut (violon), Adrien La Marca (alto), Christian-Pierre La Marca (violoncelle), Yaron Herman (piano)
Affluence (et température) en hausse en la petite église Saint-Pierre et Saint-Paul au prieuré de Pommiers, pour le deuxième concert du premier week-end de la quatrième édition des Musicales: c’est, bien sûr, Michel Portal qui a attiré un public aussi nombreux qu’impatient, venu pour retrouver successivement les deux visages d’une personnalité plurielle qui n’a jamais voulu se laisser cantonner à un seul genre: le «classique», en première partie, puis le jazz, en seconde partie.
S’il s’agace un court instant en raison d’un spectateur qui veut prendre une photo ou parce que des applaudissements jaillissent dès la fin de l’exposition du premier mouvement du Quintette (1789) de Mozart, le clarinettiste ne tarde pas à retrouver l’œil qu’à quatre-vingts ans, il conserve malicieux comme jamais – que d’espièglerie, d’ailleurs, dans certaines des variations conclusives! Nulle trace de fatigue, ou même simplement de lassitude: technique impeccable, même dans la virtuosité du finale; souffle inépuisable au service d’un entêtant cantabile – pas seulement dans le Larghetto, car n’importe quelle banale formule d’accompagnement est amoureusement chantée. Et que dire de ces couleurs mordorées, de ces sonorités inouïes, qui tiennent parfois du saxophone alto ou soprano? L’éphémère de l’instant – ces moments uniques s’évanouissent à tout jamais, faute de micros – se conjugue à l’éternité non seulement de cette musique hors norme mais aussi de cette rencontre artistique, pour les auditeurs comme pour les quatre jeunes musiciens – moyenne d’âge: 31 ans! – qui accompagnent leur aîné d’un demi-siècle et qui en conserveront sans nul doute le souvenir toute leur vie durant. Ovation nourrie et prolongée: «Encore une minute, monsieur le bourreau» – mais ce ne sera vraiment qu’une minute, et pas plus, avec la reprise en bis des toutes dernières mesures de l’œuvre.
Yaron Herman, qui avait donné un peu plus tôt une conférence pédagogique sur «l’art du jazz», régale l’assistance, en lever de rideau de la seconde partie, avec un aperçu significatif de son talent protéiforme, évoquant tour à tour en quelques minutes seulement Chopin, Ravel, Gershwin ou – nobody is perfect – Nyman. Dommage que l’acoustique, comme de coutume, devienne problématique dès qu’il y a beaucoup de notes. Michel Portal rejoint le pianiste franco-israélien pour une séance d’improvisation avec ses clarinettes, au pluriel, comme le précise bien le programme, puisqu’il se présente cette fois-ci également avec une clarinette basse, qu’il métamorphosera, à l’occasion, en didgeridoo ou, frappant sur les clefs, en instrument à percussion – du coup, Herman se lève pour pincer directement les cordes du piano. C’est la clarinette basse qui aura aussi le dernier mot – en ultime remerciement arraché par le public après un tantinet de cabotinage – dans une version magique, forcément, de «Over the rainbow» d’Arlen (Le Magicien d’Oz). Auparavant, cela aura été plus d’une heure de joute amicale et complice, alternant avec des passages où la clarinette se love, tel un chat, contre le clavier, pour atteindre ensuite des suraigus stratosphériques ou impulser une transe rythmique irrésistible.
Le site de Yaron Herman
Simon Corley
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