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Un petit bijou Oviedo Eglise de Santa María La Real de la Corte 08/04/2016 - Sebastián Aguilera de Heredia : Pièce pour le huitième ton en sol, ré et do
William Byrd : The Bells
John Bull : The King’s Hunting Jigg
Louis-Claude Daquin : Le Coucou (arrangement)
Anonyme : La Bataille
Joseph Haydn : Flötenuhrstücke, Hob. XIX, arrangées pour orgue (extraits)
John Stanley : Voluntary VIII
Johann Sebastian Bach : Concerto en ré mineur, BWV 974 María Esther Ciudad Caudevilla (orgue) (© Stéphane Guy)
ConcertoNet a déjà eu l’occasion en 2014 de commenter, sévèrement, un concert s’étant déroulé dans l’église Santa María La Real de la Corte, juste derrière la cathédrale d’Oviedo et à côté du musée archéologique où est organisée une bonne partie (malheureusement) des concerts du festival de musique estival de la capitale des Asturies. Cette année, c’est une jeune organiste de Saragosse, María Esther Ciudad Caudevilla qui a été choisie pour mettre en valeur l’orgue de l’église, un vrai petit bijou baroque (1705), avec ses 1246 tuyaux dont plusieurs sont disposés horizontalement comme des trompettes en éventail, à la façon hispanique. L’existence de l’instrument, restauré en 2010, est en soi exceptionnelle de ce côté de l’Espagne, après la guerre d’invasion française, la révolution de 1934 puis la guerre civile de 1936-1939, qui ont successivement ravagé bon nombre d’églises et de monastères, périodes noires suivies du franquisme, si méprisant pour tout ce qui était patrimoine culturel et singulièrement musical. Quant aux orgues symphoniques de type français comme celles de la cathédrale, tristement muettes depuis des dizaines d’années, elles sont assez rares et peu jouées. Dans ces conditions, le métier d’organiste relève, plus que tout autre métier de musicien, du sacerdoce de ce côté des Pyrénées. Peu d’orgues en état, peu de répertoire proprement espagnol, peu d’organistes.
L’interprète du concert du jour, comme le programme, toujours indigent, ne décrira pourtant pas l’instrument, essentiel cependant, comme dans tout concert d’orgue. Les concerts d’Oviedo ne sont décidément l’occasion d’aucun effort pédagogique. Mais les pièces judicieusement retenues par María Esther Ciudad Caudevilla tendaient malgré tout à illustrer autant les richesses harmoniques de l’instrument que sa propre virtuosité et son goût musical, absolument indéniable et méritant d’être rapporté.
On ne s’étonnera pas que l’artiste ait débuté son concert, de moins d’une heure, par une pièce de Sebastián Aguilera de Heredia (1561-1627), de Saragosse, comme elle, et premier titulaire des orgues de la cathédrale de la ville. Royale, triomphante et subtilement arpégée pour la main droite, elle ouvrait magnifiquement le concert. Celui-ci se poursuivit par une évocation du monde campanaire due à William Byrd (1543-1623). Débutant comme avec des hautbois fruités et se répondant, elle déboucha sur des volées aux tonalités de cromorne.
Avec John Bull (1563-1628), compositeur anglo-flamand, également musicien et facteur d’orgue, on partait à la chasse, tandis qu’avec Louis-Claude Daquin (1694-1772), on était perdu dans la forêt pour entendre un charmant et néanmoins célèbre coucou arrangé des Pièces pour clavecin de son auteur, des gazouillis venant curieusement compléter les jeux d’orgue.
Une Bataille anonyme du dix-huitième siècle, permettant d’utiliser pleinement les trompettes horizontales, achevait cette première partie empreinte de gaîté et révélant finalement assez bien les richesses sonores de l’instrument, la seconde étant consacrée à des pièces plus longues, postérieures et au total plus abstraites.
De Joseph Haydn (1732-1809), on entendit en effet des extraits des trente-deux Flötenuhrstücke, initialement conçues pour horloge mécanique, dont le classicisme ne nous apparut guère adapté à l’orgue de l’église, comme si celui-ci réclamait plus de couleurs. L’Allegro moderato sortait comme d’un orgue de barbarie même si l’Allegretto parut presque cristallin.
Suivit cependant une fort belle pièce, largement fuguée, de l’Anglais John Stanley (1712-1786), puis un Concerto, très italien, de Johann Sebastian Bach (1685-1750). On ne pouvait qu’être sensible à la respiration de l’Adagio central de ce concerto et au sens musical de l’interprète, le Presto final, brillant, en démontrant à son tour toute la virtuosité, surtout sur le clavier minuscule de l’orgue de l’église (cinquante-quatre touches semble-t-il).
L’interprète daigna enfin saluer le public, les courtes et identiques pauses entre les pièces ou les mouvements ayant simplement servi à changer les registres et les partitions à l’aide d’un tourneur de pages, au point que le public ne distingua plus rien entre les œuvres et leurs éventuelles parties, en applaudissant n’importe quand. Elle salua à juste titre l’instrument, toujours sans en dire un mot, avant d’entamer un bis, parfaitement maîtrisé : le début de la deuxième suite de Water Music de Georg Friedrich Händel, un ami de John Stanley...
Stéphane Guy
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