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Aimez-vous Brahms ?

Baden-Baden
Festspielhaus
07/09/2016 -  
Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 1, opus 15 – Concerto pour violon, opus 77 – Symphonie n° 1, opus 68
Hélène Grimaud (piano), Nikolaj Znaider (violon)
Orchestre du Théâtre Mariinsky, Valery Gergiev


H. Grimaud, V. Gergiev (© Klara Beck)


Deux soirées pour La Walkyrie de Wagner, une autre pour Beethoven et une troisième dédiée à Brahms : de la part de Valery Gergiev et de son Orchestre du Mariinsky en visite à Baden-Baden le pari est osé... un peu comme si les mêmes venaient nous proposer Carmen et Pelléas à Paris ! Ce qui n’a pas empêché le public de répondre massivement présent, ces quatre concerts se donnant à chaque fois, ou peu s’en faut, à guichets fermés.


Il est vrai que dès le départ la conception des affiches tentait de concilier qualité et quantité. D’abord une solide série de chanteurs wagnériens pour les deux exécutions concertantes de La Walkyrie : René Pape, Evelyn Herlitzius, Eva-Maria Westbroek et bien sûr le très attendu Jonas Kaufmann, dont les photographies avantageuses ont été utilisées partout comme un outil marketing des plus insistants. Et puis deux énormes programmes de concert, soirées Beethoven et Brahms incluant à chaque fois une symphonie précédée de deux concertos, pour lesquels ont été invités là encore des solistes de renom (Hélène Grimaud, Nelson Freire, Pinchas Zukerman et Nikolaj Znaider).


Sur le papier un mini-festival d’été très attractif, dont le déroulement s’est toutefois trouvé perturbé par toutes sortes d’événements, comme souvent d’ailleurs quand le Mariinsky s’exporte en tournée. Le plus douloureux a été la défection de Jonas Kaufmann, reparti dès la générale de La Walkyrie, apparemment suite à de sérieux problèmes vocaux, et remplacé le 7 juillet par Stuart Skelton et le 10 par Andreas Schager. Toute la communication publicitaire de ces deux concerts ayant été fondée sur la présence du ténor allemand, au net détriment du reste de l’affiche, cette absence a évidemment pesé très lourd psychologiquement. Le lendemain, le concert Beethoven a aussi connu quelques aléas, Gergiev et Freire ayant décidé de jouer au dernier moment, pour le plaisir, le Second Concerto de Brahms et non le Concerto «Empereur» de Beethoven prévu, changement luxueux mais dont l’annonce a été accueillie semble-t-il (nous n’y étions pas) par des huées nourries, émanant sans doute d’une fraction de public venue pour Beethoven et absolument rien d’autre. Même le concert Brahms n’a pas été pas exempt de flottements, la Troisième Symphonie annoncée en fin de programme ne l’ayant été qu’à la suite d’une erreur de saisie informatique bêtement recopiée ensuite d’un document à l’autre, alors qu’en fait c’était la Première Symphonie qui était prévue dès le départ et qui finalement a été jouée !


De ces concerts Beethoven et Brahms, il ne nous est en définitive possible de rendre compte que du second, la soirée Beethoven ayant été prise d’assaut tellement tôt que le contingent de places de presse s’en est retrouvé strictement inextensible. La soirée Brahms n’était apparemment guère plus accessible, mais là au moins, il nous fut accordé de faire notre travail, grâce à la toute dernière place de presse restée libre... Là encore des dysfonctionnements à déplorer, mineurs et excusables sans doute, mais qui font un peu tache à ce niveau d’ambition, pour une grande maison de festival.


Eh oui, rendre compte pour les lecteurs de ConcertoNet n’est pas toujours de tout repos... Voire, pendant le premier mouvement du Premier Concerto pour piano de Brahms, on se prend à penser que ce travail nécessite parfois une bonne dose d’abnégation. L’Orchestre du Mariinsky s’annonce dans une forme catastrophique, masse caoutchouteuse à laquelle le chef tente de donner un semblant d’allure en poussant systématiquement un mugissement d’aurochs avant chaque attaque des archets. Les ponctuations du thème liminaire se traînent à un rythme pachydermique et on part pour un mouvement interminable, alternant tutti bruyants et silences vides de tension. Avec bien sûr partout les grognements impérieux de Valery Gergiev, chuintements respiratoires qui superposent aux instruments une horripilante succession de bruits d’appareil pneumatique, parfaitement audibles même depuis la seizième rangée du parterre. S’il n’atteint pas tout à fait, mais de peu, la lenteur caricaturale d’une exécution publique de Glenn Gould et Leonard Bernstein restée célèbre, ce premier mouvement éléphantesque n’en paraît pas moins un contresens total, dans lequel la pauvre Hélène Grimaud paraît bien mal embarquée, malgré un toucher vif et percutant. Ensuite la situation s’améliore : un Adagio paradoxalement plus allant et mieux tenu, et un Rondo final où la pianiste profite de sa position dominante pour remorquer tout le monde à un tempo enfin plus stable et énergique. De ce Brahms handicapé par son embonpoint, mais qui finit mieux qu’il n’a commencé, on ne préfère retenir que la très forte impression laissée par le jeu de la pianiste française, d’une remarquable fiabilité technique et d’une puissance de frappe colossale, au point parfois d’en couvrir l’orchestre entier !


Pas d’entracte. On pousse le piano dans un coin et Nikolaj Znaider arrive immédiatement pour le Concerto pour violon de Brahms. Là le climat change, plus conventionnel à l'orchestre, ou du moins plus conforme aux standards internationaux habituels, et aussi du côté du soliste. Archet invariablement précis, doigts de fer, articulation des traits impeccable, art des phrasés qui ne semble connaître aucune crispation d’ordre technique, avec pour revers peut-être une impression de relative froideur. De très grands moments de violon néanmoins, accompagnés de façon compétente (le hautbois du Mariinsky est intéressant et toute la petite harmonie sonne avec mesure et musicalité). Et cette fois, les mugissements du chef sont plus rares, encore que non absents. Un bref bis pour couronner cette première partie : la Sarabande de la Première Partita de Bach.


La Première Symphonie de Brahms a été choisie à bon escient, puisque c’est celle qui paraît a priori la plus compatible avec les conceptions de Valery Gergiev. Dès l’énoncé du thème, on est saisi par l’ampleur de l’architecture, avancée motrice d’un seul tenant, sur une pulsation remarquablement régulière. Les effets de masse paraissent encore accentués par l’homogénéité des timbres, sonorités très pleines et fermement ancrées dans de profondes résonances graves. Les pupitres de cordes en particulier surprennent par la densité d’un son qui ne semble connaître aucune variation individuelle. Intuitivement cette stabilité extraordinaire nous paraîtrait idéale pour Sibelius par exemple, pour Brahms en revanche on peut aussi rêver d’autre chose : davantage de vie intérieure, une mélancolie plus prenante. Ici tout reste univoque, au seul bénéfice d’effets grandioses qui culminent dans un finale impressionnant, d’une ampleur très brucknérienne. Comme d’habitude la fiabilité des cuivres du Mariinsky est exceptionnelle, à quelques minimes incidents près, imputables en particulier à une température ambiante élevée. A défaut d’une exécution brahmsienne idiomatique, certainement une superbe conclusion pour ce concert fleuve.



Laurent Barthel

 

 

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