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Deux raretés du baroque magnifiées par Jordi Savall Versailles Chapelle royale 07/02/2016 - et 30 juin (Dole), 3* juillet (Versailles) 2016 Henry Desmarest : Messe à deux chœurs et deux orchestres
Francesc Valls : Missa Scala Aretina Monica Piccinini, Marie-Frédérique Girod, Lise Viricel (sopranos), David Sagastume, Gabriel Diaz (contre-ténors), Lluis Vilamajo (ténor), Marco Scavazza, Josep-Ramon Olivé (barytons)
La Capella Reial de Catalunya, Le Concert des Nations, Jordi Savall (direction)
J. Savall
Les rapports qui unissent Henry Desmarest (1661-1741), successeur de Marc-Antoine Charpentier au Collège des Jésuites, à son cadet de dix ans Francesc Valls (1671-1747), maître de la Chapelle de la Cathédrale de Barcelone, sont à trouver dans l’Espagne de Philippe V, où la vie rocambolesque du Parisien l’a conduit. Dans ses valises, Desmarest apporte avec lui le grand style versaillais, avant que le roi, entiché entretemps de musique italienne, ne le renvoie dans son pays d’origine. Il finira surintendant de la musique du duc de Lorraine.
Son imposante Messe à deux chœurs et deux orchestres (1707) montre un goût prononcé pour l’écriture contrapuntique et la beauté plastique de la ligne mélodique. Le compositeur joue des contrastes que lui permettent le double chœur et des parties solistes finement ouvragées dans lesquelles brille le plateau réuni par Jordi Savall. Car il y a un «son» Savall: tient-il à cette intériorité palpable? Cette grâce incoercible des rythmes inégalisés par les chanteurs? Ces phrasés veloutés qui ne scandent jamais à outrance? La prononciation classique du latin, conférant un surcroît d’universalité à la «musique française»? Cette chorégraphie que dessinent les mains du violiste, en gestes larges et enveloppants – une invitation à l’écoute en soi? A moins qu’il ne faille le trouver d’abord dans Le Concert des Nations, dont les membres rivalisent de virtuosité.
La Missa Scala Aretina (1702), pour onze voix réparties en trois chœurs, deux violons, un violone, deux trompettes, orgue et basse continue avec harpe, appelle les mêmes éloges, même si l’on pourra trouver que la disposition sur scène, un peu confinée, ne garantit pas suffisamment d’espace entre les trois chœurs pour goûter au maximum les artifices d’écriture de Francesc Valls. Dans la tradition renaissante, le Catalan mêle le style concertant et le contrepoint imitatif, aux figuralismes suggestifs, fondés sur un motif de six notes (directement issu de l’hexacorde guidonien). Enrichi de trompette et timbales, l’instrumentarium bénéficie d’un harpiste baroque – le génial Andrew Lawrence-King – d’une incroyable vitalité, jouant debout afin de facilité la préhension de son instrument qu’il sollicite jusque dans l’extrême grave à la sonorité rocailleuse.
Bien que ces deux chefs-d’œuvre aient déjà été enregistrés, on attend avec impatience la publication annoncée de ces concerts versaillais au disque.
Jérémie Bigorie
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