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Il faut sauver Juventus

Cambrai
Théâtre
07/02/2016 -  
Joseph Haydn: Sonate pour piano n° 62, Hob. XVI: 52
Frédéric Chopin: Nocturne, opus 48 n° 1
Claude Debussy: Images (Première Série)
Franz Liszt: Harmonies poétiques et religieuses: «Funérailles»

Frédéric Vaysse-Knitter (piano)


20 heures
Paul Hindemith: Sonate pour cor et piano (*)
Wolfgang Amadeus Mozart: Quatuor avec piano n° 1, K. 478
Louis Cahuzac: Arlequin pour clarinette
Pierre Boulez: 12 Notations pour piano
Piotr Ilyitch Tchaïkovski: Souvenir de Florence, opus 70

Ronald Van Spaendonck (clarinette), Félix Dervaux (cor), Liana Gourdjia, Graf Mourja (violon), Nathan Braude, Léa Hennino (alto), Hermine Horiot, Alexey Stadler (violoncelle), Laurène Durantel (contrebasse), Frédéric Vaysse-Knitter (*), Ferenc Vizi (piano)




En proie à d’importantes difficultés au lendemain de la précédente édition, Juventus se réduit, cette année, à une seule journée de concerts: ce 2 juillet, d’anciens lauréats se produisent bénévolement, à 17 heures et à 20 heures, au Théâtre de Cambrai. Dans leur allocution introduisant le concert du soir, la nouvelle présidente de l’Association Juventus Europe, Annick Lozé-Zeinstra, l’adjointe au maire de Cambrai déléguée à la culture, Laurence Saydon, le secrétaire général, Fabrice Laurent, et le directeur artistique, Georges Gara, n’exposent pas les raisons de ces difficultés. Ils ne cachent pas leur désarroi mais affichent de la volonté et de l’émotion, en se gardant d’exprimer de la colère. Probablement de nature financière, sous fond de vives tensions, les raisons exactes de cette situation demeurent un peu obscures. Toujours est-il que la ville accueille un nouveau festival, les Musicales, qui occupe le même créneau – la première moitié de juillet – que Juventus, qui se retrouve dépourvu de moyens et contraint de définir un nouveau projet, peut-être, aussi, de se replier dans une autre ville. Les lauréats, en tout cas, soutiennent Georges Gara, aucun ne participant à l’autre festival.


Lauréat en 2002, Frédéric Vaysse-Knitter se produit en récital à 17 heures. Le pianiste livre avec probité une Soixante-deuxième Sonate de Haydn bien équilibrée et proportionnée. Il conserve, par la suite, un jeu minutieusement accentué et articulé, au risque de conférer un aspect parfois trop analytique et sévère à ses interprétations, comme dans un Nocturne opus 48 n° 1 de Chopin souple et limpide mais confinant à la neutralité. Une tourneuse de pages l’assiste dans la Première Série des Images de Debussy, alors qu’il y paraît confiant. Clairvoyant dans son approche des œuvres, Frédéric Vaysse-Knitter fait preuve d’imagination et déploie, dans ces trois pièces, de nouveau très soigneusement exécutées, une palette de couleurs nuancée; l’«Hommage à Rameau», par exemple, expose un toucher net et témoigne d’une pensée claire. Au lieu de jouer «Vallée d’Obermann», annoncé dans le programme, le pianiste, en hommage à Pierre Boulez, poursuit avec «Funérailles» du même Liszt. Si le sens de cette démarche laisse perplexe, il évite de surcharger cette pièce d’intentions et de l’exécuter trop massivement. Le programme du récital se termine exactement une heure plus tard, mais l’interprète joue les prolongations avec «Poissons d’or», tiré de la Seconde Série des Images de Debussy.


Dix lauréats se produisent plus ou moins longuement durant le concert de 20 heures, qui débute solennellement par la sonnerie de Siegfried, entonnée au cor par Félix Dervaux (2015). Ce dernier allume ensuite les bougies d’un lustre placé au-dessus de trois roses, posées sur la scène en mémoire à trois personnes liées de près à ce festival, et aujourd’hui disparues. Frédéric Vaysse-Knitter revient pour accompagner une exécution animée et sèche de la Sonate pour cor et piano de Hindemith, où le corniste impressionne par la longueur et la précision de son souffle. Ferenc Vizi (1995), Liana Gourdjia (2008), Nathan Braude (2008) et Alexey Stadler (2014) empoignent ensuite avec beaucoup de générosité le Premier Quatuor avec piano de Mozart: la complicité qui les unit, l’imagination du pianiste et l’énergie qui se dégage de cette interprétation de caractère compensent les légers écarts de justesse et une sonorité pas toujours raffinée.


Ronald Van Spaendonck, un des tout premiers lauréats, a décidé, après sa prestation remarquée l’année dernière, de ne plus se produire au festival pour laisser la place aux plus jeunes mais les circonstances l’ont amené à renier son serment. Le clarinettiste a choisi d’interpréter, avec son brio et sa maîtrise habituels, Arlequin de Cahuzac, une brève pièce qui illustre, selon lui, le caractère «improbable et burlesque» de la «très triste» situation dans laquelle se retrouve Juventus. Imprévue au programme, Laurène Durantel (2013) joue ensuite à la contrebasse Après un rêve de Fauré, qui sonne juste, dans de telles circonstances.


Ce concert très éclectique se poursuit avec Ferenc Vizi, qui donne les 12 Notations de Boulez après les avoir présentées avec bonhomie, le public étant invité à écouter cette musique et à se laisser convaincre sans trop chercher à la comprendre. Cette longue soirée s’achève avec Souvenir de Florence de Tchaïkovski, par Graf Mourja, (1994), Liana Gourdjia, Nathan Braude, Léa Hennino, Alexey Stadler et Hermine Horiot (2013): cette exécution intense et palpitante séduit grâce à la cohésion étroite entre les musiciens, à la flamme qui l’anime et à la précision des échanges. Après la reprise de la fin de l’Allegro vivace, tous les lauréats reviennent saluer une dernière fois. Les applaudissements s’estompent lorsque Georges Gara éteint chacune des bougies du lustre, sauf une: la très courte vingt-sixième édition s’achève déjà, mais il faut garder l’espoir que Juventus continue d’exister.


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Sébastien Foucart

 

 

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