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Un grand sentiment de liberté Vienna Konzerthaus 06/24/2016 - et Dimitri Chostakovitch : Quatuor n° 14, opus 142
Franz Schubert : Quatuor n° 13, D. 804 «Rosamunde» Quatuor Hagen: Lukas Hagen, Rainer Schmidt (violons), Veronika Hagen (alto), Clemens Hagen (violoncelle)
Le Quatuor Hagen (© Harald Hoffmann)
Les Hagen semblent considérer chaque concert comme une occasion de remettre en jeu leur réputation, construisant leurs phrasés comme une exploration vers des continents musicaux inconnus. La prise de risque à un tel niveau paye, et à défaut de remporter une adhésion systématique, reste constamment électrisant. L’approche du Quatorzième Quatuor de Chostakovitch est admirable de nuances et de coloris, offrant d’imperceptibles glissements entre les thèmes. Malgré la violence de certains passages, c’est une impression de douceur résignée qui domine en fin de compte. Seule l’introduction du premier mouvement pâtit de cette vision, manquant singulièrement tension et de rigueur.
Dans le Quatuor «Rosamonde» de Schubert, les interprètes enrichissent la partition en combinant de manière simultanée des caractéristiques souvent antithétiques: les forte sont puissants, mais sans dureté; les pianissimi sont à peine effleurés, mais étoffés et précis. Les éclairages sont toujours mouvants et les recherches de timbres vont parfois très loin dans la modernité – imitant des effets de sourdine, ou laissant les archets s’approcher radicalement du chevalet. Le thème du dernier mouvement offre la parfaite illustration de cet art consommé de la variation: introduit tout d’abord virevoltant, appuyant sur les ornements, il réapparaît ensuite direct et droit puis s’interrompt finalement comme un automate qu’on aurait brisé.
L’équilibre prodigieux des quatre musiciens les autorise à toutes les prises de risque sans jamais compromettre la cohérence de l’ensemble; le second violon Rainer Schmidt («petit dernier» du quatuor, qui a rejoint la fratrie il y a 29 années) y contribue immensément, apportant une perspective et un contrepoids parfaitement dosés à Lukas Hagen. Il est rare, même dans les grands quatuors, d’entendre deux violons aussi naturellement complémentaire.
Dimitri Finker
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