About us / Contact

The Classical Music Network

Bruxelles

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un spectacle qui change de l’ordinaire

Bruxelles
Palais de la Monnaie
06/14/2016 -  et 16, 17, 19, 21, 22, 26*, 28, 29, 30 juin 2016
Stephen Sondheim: Sweeney Todd
Scott Hendricks (Sweeney Todd), Finnur Bjarnason (Anthony Hope), Natascha Petrinsky (Beggar Woman), Carole Wilson (Mrs. Lovett), Andrew Schroeder (Judge Turpin), Hendrickje Van Kerckhove*/Elizabeth Cragg (Johanna Barker), George Ure (Tobias Ragg), Paul Charles Clarke (Pirelli), Matthew Zadow (Jonas Fogg)
Solistes des Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Leo Hussain/Bassem Hakiki* (direction)
James Brining (mise en scène), Caroline Chaney (reprise de la mise en scène), Colin Richmond (décors, costumes), Chris Davey (éclairages), Nick Winston (chorégraphie)


(© Bernd Uhlig)


La saison de la Monnaie s’achève sur une production imprévue. Les travaux de rénovation prenant plus de temps, il faut prolonger la délocalisation des spectacles au Palais de la Monnaie, à Tour & Taxis, mais cette salle a été jugée inadaptée pour accueillir la production de Frankenstein de Mark Grey, fondée sur une idée d’Alex Ollé, de La Fura dels Baus. La décision a donc été prise de reporter le projet à une date ultérieure et de le remplacer par une production de Sweeney Todd de Stephen Sondheim (né en 1930), déjà montée à quelques reprises au Royaume-Uni. Très peu coutumière du genre, la Monnaie traite ce musical thriller créé à Broadway en 1979 avec autant d’égard qu’un opéra de Mozart ou de Wagner. Il faut reconnaître que cet ouvrage, présent aujourd’hui au répertoire de quelques maisons d’opéra, présente un intérêt musical et théâtral incontestable, comme l’a par exemple montré une production applaudie il y a cinq ans au Théâtre du Châtelet.


Beaucoup connaissent probablement l’histoire grâce au film de Tim Burton, avec Johnny Depp dans le rôle de ce barbier revenu de prison. Pour se venger, il entend tuer le juge Turpin, devenu le tuteur de sa fille, Johanna. Sweeney Todd, en réalité Benjamin Barker, s’allie avec Mrs. Lovett pour mettre au point un plan diabolique, après avoir assassiné Pirelli, un coiffeur rival : pour dissimuler le corps, il suffit de le hacher menu et d’en préparer des tourtes, ce qui permettra, par la même occasion, de relancer le commerce périclitant de la cuisinière. Et pour augmenter encore plus les ventes, les autres clients du barbier serviront de viande. Le compositeur, qui a collaboré, pour cet ouvrage, avec Hugh Wheeler, traite ce sujet avec un humour noir savoureux et en mêlant, avec beaucoup d’habilité, les codes de l’opéra, de l’opérette, de la comédie musicale, du théâtre musical et de la musique de film – celle de Bernard Herrmann vient à l’esprit. D’une efficacité imparable, la mise en scène de James Brining, reprise par Caroline Chaney, transpose cette histoire sordide dans les années 1970. Grâce à une direction d’acteur rythmée et acérée, le spectacle se déguste sans en perdre une miette. La scénographie exploite tout l’espace grâce à plusieurs niveaux, directement sur la scène, mais aussi, en hauteur, dans des containers qui s’ouvrent sur le salon du barbier ou la chambre de Johanna.


Le public peut compter sur une distribution motivée, la même que celle prévue pour Frankenstein : celle-ci réunit des chanteurs de grand format, plutôt à l’aise dans cet exercice. Ils endossent leur rôle avec conviction, les principaux assurant d’excellentes prestations, à commencer par Scott Hendricks dans le rôle-titre. Le baryton, qui n’évolue pas du tout dans son répertoire habituel, ne néglige la part d’humanité du barbier, dressant ainsi un portrait fouillé et contrasté du personnage. Formidable comédienne, Carole Wilson campe une extraordinaire Mrs. Lovett, à la fois pittoresque, pince-sans-rire et machiavélique ; le couple qu’elle forme avec Sweeney Todd mérite à lui seul le déplacement. Il ne faut pas pour autant passer sous silence l’Anthony Hope, un peu trop en retrait, toutefois, de Finnur Bjarnason, la Johanna fragile et sensible d’Hendrickje Van Kerckhove, la saisissante mendiante de Natascha Petrinsky, l’autoritaire juge Turpin du très compétent Andrew Schroeder, le Pirelli idiomatique de Paul Charles Clarke, ainsi que la contribution des solistes des chœurs, même si ceux-ci ne manifestent pas une grande familiarité avec la langue et avec ce répertoire. Ténor typique de comédie musicale, George Ure incarne un émouvant Tobias Ragg, jeune homme engagé comme apprenti dans la funeste entreprise de Mrs. Lovett.


L’amplification des voix, pratique habituelle dans ce répertoire, ne provoque en fin de compte aucune gêne, l’artifice se faisant même oublier, compte tenu du niveau élevé de l’exécution ; le bruit de la pluie et des avions en devient même secondaire. Sous la direction de Bassem Hakiki, en alternance avec Leo Hussain, l’orchestre prend un plaisir manifeste à s’écarter de ses plates-bandes. Affichant un degré de cohésion et de finition remarquable, il imprime un rythme soutenu, véritablement cinématographique, à la représentation, Cette saison entièrement hors les murs se clôt ainsi sur un spectacle réjouissant et qui change de l’ordinaire. La Monnaie ferait bien, maintenant, d’inscrire à son répertoire West Side Story de Bernstein, dont les lyrics sont signés par un certain Stephen Sondheim.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com