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50 nuances de gris Geneva Opéra des Nations 06/18/2016 - et 20*, 22, 24, 26, 28, 30 juin 2016 Giuseppe Verdi : Falstaff Franco Vassallo/Paolo Gavanelli* (Sir John Falstaff), Konstantin Shushakov (Ford), Medet Chotabaev (Fenton), Raúl Giménez (Docteur Caïus), Erlend Tvinnereim (Bardolfo), Alexander Milev (Pistola), Maija Kovalevska (Mrs Alice Ford), Amelia Scicolone/Mary Feminear* (Nannetta), Marie-Ange Todorovitch (Mistress Quickly), Ahlima Mhamdi (Mrs Meg Page)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, John Fiore (direction musicale)
Lukas Hemleb (mise en scène), Alexander Polzin (décors), Andrea Schmidt-Futterer (costumes), Alexander Koppelmann (lumières)
(© GTG/Carole Parodi)
Pour sa dernière production de la saison 2015-2016, le Grand Théâtre de Genève affiche Falstaff, l’ultime opéra de Giuseppe Verdi, un spectacle qui marque aussi le quatre centième anniversaire de la mort de Shakespeare, dont Les Joyeuses Commères de Windsor ont servi de base au livret. Le metteur en scène allemand Lukas Hemleb – qui avait monté Iphigénie en Tauride à Genève au début de l’année dernière – conçoit Falstaff comme une comédie burlesque des années 1950. Portant des costumes aux couleurs pâles, les personnages ont le visage grimé et chacun de leurs gestes et de leurs mouvements est exactement calibré. Et il est vrai qu’on rit beaucoup durant le spectacle, qui vire souvent à l’ironie. Sur le plateau nu de l’Opéra des Nations, l’artiste et plasticien allemand Alexander Polzin a bâti un monolithe gris qui sert alternativement de taverne au premier acte, d’armoire dans l’appartement d’Alice puis de chêne à la fin de l’ouvrage. Une comédie sombre et grise en quelque sorte, comme pour mieux souligner les aspects grinçants et cyniques de Falstaff.
A la tête de l’Orchestre de la Suisse romande, le chef John Fiore offre une lecture alerte et dynamique de la partition, au détriment parfois des nuances et de la finesse, car la fosse joue souvent très fort. Dans le rôle-titre, le baryton Paolo Gavanelli a beau n’avoir plus guère de graves ni d’aigus, il compense l’usure de ses moyens vocaux par une présence scénique indéniable, qui l’amène à incarner un personnage profondément humain et touchant, loin du bouffon auquel est habituellement associé Falstaff. Il fait preuve en outre d’une grande expressivité, sculptant chaque mot des phrases qu’il doit chanter. Seul italophone de la distribution, il a, de ce point de vue, un énorme avantage sur ses collègues. Ainsi, quand bien même il dispose de moyens vocaux appréciables et d’un timbre bien projeté, le Ford de Konstantin Shushakov manque d’ « italianità ». S’il convient de saluer le Docteur Caïus de Raúl Giménez, dont la technique vocale aguerrie lui permet encore de fouler les planches avec bonheur, on ne peut passer sous silence sa tendance à constamment crier. L’autre ténor de la distribution, Medet Chotabaev, est, lui, totalement déplacé en Fenton, avec son chant sans finesse et ses problèmes d’intonation. La distribution féminine offre plus de bonheur. La palme revient à la Quickly truculente de Marie-Ange Todorovitch, à la voix sonore et sensuelle, qui ne manque pas d’atouts dans ses révérences inénarrables face au chevalier bedonnant. En Alice, Maija Kovalevska déploie des moyens vocaux bien affirmés, mais son chant manque quelque peu de grâce et de finesse. A l’opposé, Mary Feminear campe une Nannetta à la voix délicate et nuancée, alors qu’Ahlima Mhamdi compose une Meg effrontée. Globalement, un Falstaff qui termine en beauté la saison du Grand Théâtre de Genève, mais qui ne restera pas forcément dans les annales.
Claudio Poloni
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