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Etat des lieux Paris
Philharmonie 1
06/20/2016 -
Giuseppe Verdi : La forza del destino: Ouverture
Frédéric Chopin : Concerto pour piano n° 2, en fa mineur, opus 21
Henri Dutilleux : Métaboles
Maurice Ravel : Boléro
Boris Berezovsky (piano)
Orchestre national de Lille, Jean-Claude Casadesus (direction)
J.-C. Casadesus (© Ugo Ponte)
Après quarante ans de bons et loyaux services Jean-Claude Casadesus passera en début de saison prochaine la main au jeune chef français Alexandre Bloch. Ce dernier concert parisien en tant que directeur musical de l’Orchestre national de Lille était donc aussi l’occasion, tout en saluant l’incroyable parcours de cette association réussie, de faire un point artistique.
L’Ouverture de La Force du destin de Verdi montre un orchestre au son riche et plein, sans défaut majeur. Casadesus, avec son énergie habituelle et sa gestique toujours un peu abrupte, emmène délibérément cette musique vers le théâtre. Un théâtre vivant et dramatique, seulement un peu racoleur dans l’accord final, inutilement souligné.
Changement complet d’ambiance avec l’entrée de Boris Berezovsky pour un Second Concerto de Chopin très réussi. Dans la belle et longue introduction du premier mouvement, la direction de Casadesus, ici plus sobre, aide à construire un climat apaisé et très poétique dans lequel va s’immerger avec talent le pianiste russe. La réalisation pianistique est exceptionnelle de maîtrise et de sobriété et sans aucun accroc: une merveille, notamment dans un deuxième mouvement d’anthologie, également illuminé par le basson sensible de Jean-Nicolas Hoebeke. Le final, plus convenu dans son écriture, est brillant sans être spectaculaire ni paraître artificiel... ce qu’il est un peu en réalité. Il n’empêche: ce fut un très grand moment de piano et de musique. En bis, Berezovsky joue l’Etude opus 10 n° 3 avec une sobriété à laquelle on n’est pas toujours habitué. Un moment de grâce dans une Philharmonie de Paris suspendue aux doigts de ce musicien exceptionnel.
Après l’entracte, place aux Métaboles, après un mot de Jean-Claude Casadesus qui lui permet de rappeler son amour pour cette musique et sa passion pour l’homme Dutilleux, né en 1916 (et non en 1946 comme marqué par erreur dans le programme!) Ce fut sans doute le plus beau moment de ce concert, avec une interprétation aboutie de ce chef-d’œuvre de la musique orchestrale du XXe siècle. L’orchestre, en très grande forme ce soir on l’aura compris, s’est montré ici l’égal des meilleurs orchestres français. La rythmique désordonnée d’«Incantatoire», les cordes horizontales et frémissantes de «Linéaire», l’étonnant solo de contrebasse presque jazzy d’«Obsessionnel», les harmonies serrées et subtiles de «Torpide», tout était parfaitement au point dans la réalisation orchestrale. Casadesus semblait régner en maître sur ces microparticules de musique que sont les Métaboles, se souvenant aussi de ce que Dutilleux doit à Stravinsky et à Debussy. Dans le final, il parvient à canaliser son énergie, on le sait débordante, et à conduire cette magnifique fresque sonore dans une dimension festive presque cosmique. Du très grand art appelant un triomphe bien mérité.
Le Boléro qui allait suivre fut malheureusement plus convenu. Sans doute trop dirigé, cherchant l’effet et trop spectaculaire, notamment dans la toute fin de l’œuvre, il a aussi montré quelques limites instrumentales peut-être liées à la fatigue à l’issue d’un programme assez riche. Dommage!
Il n’en reste pas moins que ce fut un magnifique concert, notamment grâce au piano parfait et poétique de Boris Berezovsky et à des Métaboles de très haut niveau. Alexandre Bloch peut arriver en toute confiance à Lille, il trouvera un orchestre en grande forme. On lui souhaite, ainsi qu’à ses musiciens, beaucoup de réussite et de bonheur.
Le site de l’Orchestre national de Lille
Gilles Lesur
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