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Lille au son du piano Lille Conservatoire & Nouveau Siècle 06/18/2016 - Conservatoire, 14 heures
Johann Sebastian Bach: Partita n° 1, BWV 825
Franz Schubert: Klavierstücke, D. 946
Claude Debussy: L’Isle joyeuse
Improvisations
Ismaël Margain (piano)
Nouveau Siècle, 16 heures
Claude Debussy: Nocturnes: Nuages (transcription Maurice Ravel) [1]
Igor Stravinski: Le Sacre du printemps [2]
Edgar Varèse: Amériques [3]
Wilhem Latchoumia [1, 3], Cédric Tiberghien [2, 3], Marie Vermeulin [1, 3], Vanessa Wagner [2, 3] (piano)
Nouveau Siècle, 18 heures
Wolfgang Amadeus Mozart: Concerto pour piano n° 9, K. 271 « Jeunehomme » [1]
Johann Sebastian Bach: Concerto pour deux pianos, BWV 1060 [2] – Concerto pour trois pianos, BWV 1063 [3]
Julian Trevelyan [1], Lidija et Sanja Bizjak [2, 3], Anne Queffélec [3] (piano)
Orchestre de Picardie, Arie Van Beek (direction)
Depuis un peu plus de dix ans, un festival consacré au piano se déroule à Lille durant tout un week-end en juin. Pour cette nouvelle édition, du 17 au 19, l’offre est toujours aussi riche et intéressante : vingt-et-un concerts payants, auxquels s’ajoutent d’autres rendez-vous gratuits, prennent pour fils conducteurs, cette année, Bach et Mozart, la programmation s’ouvrant aussi à d’autres genres, comme le jazz et le tango. L’Orchestre national de Lille, l’organisateur, a convié, cette fois encore, une attirante brochette de pianistes, beaucoup connus, tels Boris Berezovsky, Fazil Say et Alexandre Tharaud, pour n’en citer que quelques-uns, d’autres un peu moins pour l’instant, comme Dmitry Masleev, premier prix du Concours Tchaïkovski, et Nathalia Milstein, premier prix du Concours de Dublin, tous deux en 2015. Le point fort du festival, la richesse de son offre, constitue aussi sa faiblesse : à moins d’être doté du don d’ubiquité, il faut choisir, donc renoncer, en tenant compte non seulement de ses envies mais aussi du temps nécessaire pour se rendre d’un lieu à l’autre ; les musiciens, dans leur élan de générosité, ne respectent pas toujours l’heure de fin indiquée.
Au Conservatoire, à 14 heures, Ismaël Margain entame son récital avec la Première Partita de Bach : vivante, rigoureuse, mais pas trop sérieuse, l’exécution témoigne d’une pensée musicale claire. Les Klavierstücke D. 946 de Schubert confirment un jeu propre et détaillé, le pianiste interprétant ces trois pièces avec beaucoup d’éloquence, parfois, même, de façon véhémente, mais l’expressivité demeure juste. L’Isle joyeuse de Debussy se signale par un toucher net, une palette de couleurs diversifiée, mais aussi une virtuosité un peu trop appuyée. Ismaël Margain termine sa prestation d’un bel accomplissement technique avec une Etude de Nikolaï Kapoustine d’une impulsion irrésistible, en jouant des standards de jazz, dont un de Chick Corea, et en improvisant, notamment sur Bach, pour refermer la boucle.
Boris Giltburg a succédé à Ismaël Margain à 16 heures mais nous avons préféré nous rendre au Nouveau Siècle pour entendre quatre pianistes en même temps. Wilhem Latchoumia et Marie Vermeulin s’associent dans « Nuages » des Nocturnes de Debussy, transcrit par Ravel: comme le duo se préoccupe trop de la sonorité, l’œuvre progresse à peine. Ils reviennent pour tourner les pages dans Le Sacre du printemps exécuté par Cédric Tiberghien et Vanessa Wagner. La sonorité ne laisse rien à désirer et les interprètes affichent un sens du rythme impeccable. Cependant, où réside l’intérêt de jouer, même sur deux pianos, une œuvre qui ne sonnera jamais aussi bien qu’avec un orchestre et qui figure, en outre, régulièrement au programme des concerts symphoniques ? La question s’applique également à Amériques de Varèse, mais dans une moindre mesure car cette œuvre reste rare : les quatre pianistes, cette fois chacun à son clavier, accomplissent un tour de force, maîtrisé grâce à la précision des échanges, à l’énergie de leur jeu, à la profusion de la sonorité et à leur sens affûté des atmosphères.
Le concert de 18 heures, aussi dans l’Auditorium du Nouveau Siècle, relie les deux fils conducteurs. Le « Jeunehomme » de Mozart revient à un jeune homme de dix-sept ans, le Britannique Julian Trevelyan, deuxième prix au Concours Long-Thibaud l’année passée. Ce pianiste au jeu joliment perlé en livre une interprétation convenue, presque trop sage, non exempte d’approximations, mais fine et légère, et d’une expressivité toujours juste. L’Orchestre de Picardie, dirigé par Arie Van Beek, dispense, par contre, un accompagnement ordinaire. Les cordes paraissent disgracieuses et la sonorité d’ensemble demeure pâteuse, également dans les Concertos pour deux pianos et pour trois pianos de Bach. Lidija et Sanja Bizjak, Anne Queffélec dans le BWV 1063 et le chef cultivent une conception dépassée de cette musique : si l’exécution s’avère trop massive et pesante, compte tenu de ce que pratiquent les ensembles jouant sur instruments d’époque, les pianistes font tout de même preuve de vitalité et d’allant. Signalons, pour conclure, que des étudiants de l’Ecole supérieure musique et danse Nord de France et de conservatoires de la région se sont succédés dans l’Espace Valladolid du Nouveau Siècle, durant toute la journée de samedi, pour répéter 840 fois les Vexations de Satie, qui a vu le jour il y a cent cinquante ans.
Le site du Lille Piano(s) Festival
Sébastien Foucart
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