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Céleste Aida

Paris
Opéra Bastille
06/13/2016 -  et 16, 19, 22, 25, 28 juin, 1er, 4, 7, 9, 10, 12, 13, 16 juillet 2016
Giuseppe Verdi : Aida
Orlin Anastassov (Il Re), Anita Rachvelishvili*/Daniela Barcellona (Amneris), Sondra Radvanovsky*/Lidumyla Monastyrska (Aida), Aleksandrs Antonenko*/Yusif Eyvazov/Marco Berti (Radamès), Kwangchul Youn (Ramfis), George Gagnidze*/Vitaliy Bilyy (Amonasro), Yu Shao (Un messagero), Andreea Soare (Sacerdotessa)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Daniel Oren (direction musicale)
Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors, costumes), Bertrand Killy (lumières)


G. Gagnidze, S. Radvanovsky (© Guergana Damianova/Opéra national de Paris)


Les prêtres égyptiens ? Le clergé catholique de l’empire austro-hongrois, fanatique et oppresseur, qui empêche la nation italienne de se constituer – Ramfis devient un prélat, la Prêtresse une Mater gloriosa. Mais cette nation, une fois créée, n’échappera pas non plus à la violence, colonialiste ou xénophobe, ce que devient fatalement un état fondé sur l’alliance du trône et de l’autel. Les victimes peuvent devenir bourreaux... et Verdi complice ? L’Italie, d’ailleurs, n’a-t-elle pas voulu, bien avant Mussolini, s’emparer de l’Ethiopie ? Voilà ce qu’Olivier Py, en 2013, dénonçait à travers sa lecture d’Aïda, cet opéra créé au Caire, mêlant les époques et les références, avec des villes éventrées par les bombes, des militaires en treillis, des charniers, une croix en feu et un cortège de prêtres rappelant à la fois l’Inquisition et le Ku Klux Klan au moment du procès de Radamès...


A l’heure où sévit le terrorisme djihadiste, le message a-t-il gagné en force ? Nullement. La production paraît encore plus facile que naguère, l’or rutilant du décor, visiblement emprunté en partie à Mathis le peintre, fait toc maintenant, le metteur en scène se plagie lui-même jusqu’à la caricature – chez Amnéris, par exemple, dont les femmes sont fort intéressées par les torses musculeux de la soldatesque. A-t-il d’ailleurs réglé sa mise en scène ? La direction d’acteurs est plus relâchée que jamais, quasi inexistante. En 2013, cela fonctionnait : aujourd’hui c’est le vide. Le directeur d’Avignon a, d’ailleurs, une fois de plus, essuyé de copieuses huées – ramenant le calme lorsqu’il a rendu hommage aux équipes techniques de la maison qui ont dû faire face, au premier acte, à une panne immobilisant le décor... et empêchant l’entrée du char de Radamès.


Autant dire que la musique devait sauver la soirée. Ce qui arriva plus ou moins. Malgré un timbre un peu froid, un grave assez modeste, une certaine réserve dans la composition, Sondra Radwanovsky donne en Aida une leçon de chant. Maîtrise du souffle et de l’émission, avec des pianissimi filés à la Caballé, notamment dans un air du Nil d’une beauté renversante, phrasé sans la moindre ride, voilà un authentique soprano verdien, qui offre de l’esclave éthiopienne un portrait à la fois nostalgique et vibrant : une « Céleste Aïda », vraiment. Pas facile, pourtant, de s’imposer face à l’Amnéris d’Anita Rachvelishvili, voix immense, d’une opulence charnue, généreusement déployée pour les fureurs jalouses de la princesse rejetée. C’est que la mezzo géorgienne se déchaîne, sans grande subtilité d’ailleurs comme souvent certaines mezzos venues de l’Est, là où l’on attendrait aussi une fragilité, voire peut-être une sensualité. Mais ne le nions pas : ça impressionne, surtout à partir du troisième acte, alors que le deuxième, parfois, se parait de nuances – on est plus inquiet qu’impatient de sa Dalila et de sa Carmen la saison prochaine.


Aleksandrs Antonenko, en revanche, irrite et déçoit. Le ténor letton confond Othello et Radamès, oscille entre nuances détimbrées et aigus faux et criards, sans idée de ce que le rôle peut encore avoir de belcantiste : il y faut un styliste – ici aussi, on craint pour la saison prochaine, où on lui a confié Samson. Il devrait écouter l’Amonasro de George Gagnidze, son heureuse antithèse, déchu de son trône mais pas de sa ligne. Il sauve l’honneur des clés de fa : Kwangchul Youn grisonne et trémule en Ramfis, Orlin Anastassov n’est vraiment roi que lorsqu’il chante à l’avant-scène. Un plateau inégal, donc, desservi par la direction martiale, pompière même, souvent brouillonne de Daniel Oren, à peine meilleur dans la seconde partie, qui avait déjà raté sa Traviata alors qu’il avait pu nous enchanter dans le répertoire vériste.



Didier van Moere

 

 

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