About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

La grande tradition au sommet

Paris
Philharmonie 1
06/08/2016 -  et 9* juin 2016
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5 « L’Empereur », opus 73
Gustav Mahler : Symphonie n° 1 « Titan »

Till Fellner (piano)
Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt (direction)


T. Fellner (© Gabriela Brandenstein)


Herbert Blomstedt à la tête de l’Orchestre de Paris, ça ne se rate pas. Encore moins avec Till Fellner quand on les a entendus il y a quatre ans dans le Quatrième Concerto de Beethoven. Tant pis pour Richard Goode, que l’Autrichien remplace dans L’Empereur.


Droit comme un i et pas moins fringant qu’hier à 88 ans, le patriarche pourrait avoir formé son cadet de plus de quarante : tous deux portent au sommet la grande tradition. Il y a de la puissance dans cet Empereur, mais jamais de lourdeur, toujours de la clarté : s’il est rigoureusement charpenté, il déborde d’énergie généreuse, respire librement travers des rythmes vifs, avec un équilibre parfait de la pensée et de l’émotion. Le pianiste sait à la fois sculpter et arrondir sa sonorité, maître absolu de ses nuances – superbe transition de l’Adagio au Rondo. L’interprétation refuse tout clinquant, pour garder une sorte de hauteur dans l’euphorie comme dans l’effusion. Pas plus que Blomstedt, il ne cherche à nous surprendre, encore moins à nous bousculer, se contentant – si l’on peut dire – de servir la musique. C’est magnifique. Mi bémol encore pour le bis : « Eusebius » du Carnaval schumannien, aussi dense que poétique. Choix éloquent de la part d’un pianiste fréquentant plutôt chez Apollon.


Pas moins magnifique, la Titan de Mahler, où l’orchestre brille de tous ses feux – homogénéité des pupitres, beauté des solos. Magnifique parce que Blomstedt en restitue à la fois la lettre et l’esprit. Le Suédois fouille la partition jusqu’au moindre détail, on a rarement entendu Première aussi lisible. Il la dirige aussi telle qu’elle est, pas « à rebours », comme une symphonie de jeunesse : au-delà du mystère ou, au contraire, de l’explosion des forces de la nature, elle garde dans son premier mouvement une fraîcheur, une naïveté presque schubertienne – avec une science souveraine de l’enchaînement et du crescendo. Le Scherzo évite l’éclatement des registres, pierre d’achoppement de toute interprétation mahlérienne, entre fausse rugosité, ironie bonhomme et viennoiserie du Ländler dans le Trio. Le mouvement lent fait alterner, sans les édulcorer, en les soulignant même, la désolation de la marche funèbre, les grimaces dissonantes de la parodie, la nostalgie d’un autre monde aussi. Mais c’est dans le finale, où Mahler n’atteint pas encore à la pleine maîtrise de la forme, que l’unité se trouve le plus difficilement : pas avec Blomstedt, remarquable architecte des sons et du temps, qui fait avancer la musique alors qu’elle semble parfois tourner sur elle-même. Et qui, ainsi, conduit le mouvement vers sa triomphale apothéose, d’une éblouissante lumière, d’une grandeur épique : la partition, ici, n’usurpe pas son titre. Un des plus beaux moments de la saison.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com