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Michael Spyres au sommet

Bruxelles
Palais de la Monnaie
05/05/2016 -  et 8, 10, 12, 15*, 17, 19 mai 2016
Wolfgang Amadeus Mozart: Mitridate, Re di Ponto, K. 74a [87]
Michael Spyres (Mitridate), Lenneke Ruiten (Aspasia), Myrtò Papatanasiu (Sifare), David Hansen (Farnace), Simona Saturová (Ismene), Sergey Romanovsky (Marzio), Yves Saelens (Arbate)
Orchestre symphonique de la Monnaie, Christophe Rousset (direction)
Jean-Philippe Clarac, Olivier Delœil (mise en scène, costumes), Rick Martin (décors, lumières), Jean-Baptiste Beïs (vidéo)


(© Bernd Uhlig)


La genèse de cette production mérite d’être racontée. La Monnaie souhaitait reprendre son Mithridate de 2007 mais elle a dû revoir ses plans à cause du retard pris par la rénovation du théâtre : en effet, la mise en scène de Robert Carsen ne peut pas être transposée au Palais de la Monnaie, lieu de repli durant les travaux. Peter de Caluwe a donc lancé un appel à projets, avec un succès probablement inattendu, une centaine de propositions ayant dû être examinées. Les candidats présélectionnés ont participé à un atelier pour défendre leur projet avec l’appui, notamment, de jeunes chanteurs. Le jury a finalement retenu l’idée de Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœil du Lab, compagnie bordelaise fondée en 2009.


Suite à la mort présumée de Mithridate, un sommet de crise exceptionnel est organisé dans un bâtiment imaginaire de l’Union européenne, le Nymphea Building, en fait le Palais de la Monnaie. Dans une salle de conférence moderne, Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœil dévoilent les coulisses du pouvoir dans ces hautes instances, où s’imbriquent vie privée et vie politique, sans forcer le trait de la caricature – personnel de sécurité et de nettoyage, chargés de communication, journalistes et caméras créent l’illusion de la réalité. Et voici que survient, contre toute attente, Mithridate, filmé en direct dans sa voiture sur le chemin du sommet ; applaudi par le public à son arrivée dans la salle, le chef d’Etat, confiant, se dirige vers la tribune pour son discours.


Les composants de cette mise en scène aux intensions claires ne présentent pas d’originalité particulière. Dans Idoménée, il y a six ans, Ivo Van Hove avait déjà exploité le principe de la captation en direct et imaginé des écrans diffusant des nouvelles en continu – les fameuses breaking news. Mais la modernité et la pertinence du concept séduisent, le tandem revisitant le genre de l’opera seria en toute intelligence. La scénographie déborde de la scène pour investir la salle, plantée de drapeaux des Etats membres de l’Union, et même le hall d’entrée, où un mémorial rend hommage à Mithridate – bougies, fleurs, petits mots, peluches, comme au pied de la Bourse après les attentats du 22 mars. Les spectateurs reçoivent même, à leur arrivée, un dépliant précisant l’agenda de ce sommet de vingt-quatre heures, comme s’ils y étaient eux-mêmes conviés. Le duo tient donc un concept brillant mais ne crée plus la surprise passé le premier acte. Une direction d’acteur compétente alimente cependant l’action, le drame progressant sans provoquer l’ennui, même durant les récitatifs.


Michael Spyres, qui a incarné le roi du Pont en février dernier au Théâtre des Champs-Elysées, livre la prestation la plus vertigineuse. Le rôle-titre réserve d’importants sauts d’intervalle qui exigent une souplesse parfaite et une capacité supérieure à souder les registres. Intelligence des récitatifs, splendeur du timbre, éloquence du phrasé, perfection de l’intonation et de l’émission, les qualités vocales s’accumulent, auxquelles s’ajoute, pour couronner le tout, la justesse de la composition – un ténor d’exception. Lenneke Ruiten développe dans le rôle d’Aspasia un chant d’une tenue constante et d’une grande aisance, la voix se signalant, en outre, par la beauté du legato. Le Sifare de Myrtò Papatanasiu, à l’affiche lors de la précédente production, manifeste un tempérament théâtral affirmé, cette soprano à la tessiture homogène maîtrisant, en connaisseuse, les canons du chant mozartien.


David Hansen semble dépassé par les exigences du rôle de Farnace, l’autre fils de Mithridate ; traduisant toute l’arrogance du personnage, le contre-ténor malmène l’intonation, voile l’émission, projette trop faiblement une voix détimbrée. En dépit d’une technique assurée et d’un style surveillé, l’Ismène de Simona Saturová manque un peu de grâce, le timbre ne se révélant pas non plus exceptionnel. Sergey Romanovsky ne compte pas parmi les chanteurs les plus raffinés du plateau mais le personnage de Marzia ne lui offre que peu d’occasions d’illustrer son savoir-faire; impeccable Arbate, en revanche, d’Yves Saelens, d’une parfaite intégrité stylistique.


Descendant régulièrement dans la fosse de la Monnaie, la dernière fois en janvier et février 2015 pour un double spectacle Haendel à la tête de ses Talens lyriques, Christophe Rousset éprouve, de toute évidence, beaucoup d’affinité avec cet ouvrage de jeunesse qu’il a d’ailleurs enregistré il y a dix-huit ans – le chef accompagne lui-même, et fort joliment, les récitatifs au clavecin. Rigoureuse, nuancée et attentive aux détails, sa direction imprime sans relâche l’impulsion nécessaire. Prédominantes, les cordes se montrent acérées et dynamiques tandis que les interventions délicieuses des bois ne passent pas inaperçues grâce à la clarté de la mise en place. La saison prochaine, du 17 mars au 4 avril, la Monnaie représentera Lucio Silla, l’autre opera seria que Mozart a composé pour le Teatro Regio Ducale de Milan.


Le site du Lab



Sébastien Foucart

 

 

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