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Katerina victime des nouveaux Russes

Moscou
Théâtre Helikon
04/20/2001 -  
Dmitry Chostakovitch : Lady Macbeth de Mtzensk
sur un livret d'Alexander Pris et Dmitry Chostakovitch
d'après la pièce de Nikolai Leskov
Svetlana Sozdateleva (Katerina Izmailova), Sergei Toptygin (Boris), Alexei Kossarev (Serguei), Igor Sirotkin (Zinovi), Marina Karpetchenko (Aksinia), Andrei Vylegzhanin (policier), Elena Ionova (Sonietka), Nikolai Galin (prêtre)
Dimitri Bertman (directeur artistique et producteur)
Orchestre et Choeur du Helikon Opera, Vladimir Ponkin (direction)
Dimitri Bertman & Youri Ustiugov (mise en scène)
Igor Nejny & Tatiana Tulubieva (décors et costumes)
A-M Akela (lumières)


Bertman suscite à Moscou la controverse à chacune de ses nouvelles production. Il compte d'ardents partisans et des détracteurs tout aussi déterminés. Chaque opéra fait l'objet d'un traitement radical, anticonformiste, et débridé. Le souffle de l'immédiat aprés-perestroika court toujours sur l'échine du directeur du Helikon opéra, que l'on voit par ailleurs très souvent tourner avec sa troupe en Europe.

Curieusement, alors que Chostakovitch avait construit une Katerina calculatrice et décidée à s'émanciper, en opposition aux personnages traditionnels des femmes russes endurant avec courage leur tragique destin, Bertman en fait à nouveau une victime. Malgré l'énergie et la rage de son désir, Katerina voit de bout en bout son destin lui échapper. Impuissante, manipulée par son amant Serguei, elle finit par s'anéantir avec sa rivale. Témoignant un certain pessimisme sur la condition de la femme dans la société russe contemporaine, Bertman pointe froidement la bêtise et la lâcheté des hommes de pouvoir, et la propension flagrante à l'autodestruction de leurs victimes. Les scènes d'accouplement et l'orgie du début sont d'une crudité surprenante, excessivement ressemblantes aux spectacles auxquels on assiste dans les nombreuses boites de nuit mal famées pour nouveaux russes. Destiné à choquer, ce parti pris prolonge logiquement celui du compositeur.


Évoquant tour à tour l'usine, la boite de nuit et le sordide appartement du couple, le décor est constitué en fond de scène de cinq cages grillagées au fond desquelles tournent d'inquiétantes pales de ventilateurs acérées.


La vigueur extraordinaire de la direction naturellement portée par la partition tout en contraste de Chostakovitch. Cependant, Ponkin éprouve des difficultés à contenir l'enthousiasme des cuivres, qu'on entend à plusieurs reprises écraser complètement le plateau. L'acoustique de la salle n'est pas seulement en cause, ni les possibilités des chanteurs. On a également pu entendre un cafouillage au début du deuxième acte et des problèmes de justesses chez les seconds violons. Néanmoins la direction de Ponkin est d'une lisibilité et d'un dynamisme exemplaire. Sans disposer d'un orchestre de la taille requise par l'ouvrage, il crée une pâte et des effets de masse méritoires. Plein d'attentions pour le plateau, Ponkin donne systématiquement les entrées aux chanteurs, pas toujours à l'aise (surtout Toptygin) dans cet opéra extrêmement exigeant. Si la crédibilité scénique de ce dernier s'en ressentait, la voix restait elle expressive et noble.


Le rôle-titre interprété avec une conviction qui tient du sacerdoce par Svetlana Sozdateleva tient ses promesses vocalement, mais son jeu manque de nuance. Elle prend une mine effarée qu'elle ne quitte pas même dans ses ébats amoureux avec Serguei. L'amant, par contre, survolté de bout en bout, sait habilement changer de registre, et possède cette voix trop rare de Ténor lyrique, sombre comme un baryton dans son premier air puis se révélant brillante et puissante. Alexei Kossarev domine la distribution de bonne qualité dans l'ensemble hormis le ténor d'Igor Sirotkin, étroit et aigre.


Cette excellente production rodée à Moscou trouvera très certainement l'occasion de tourner dans les théâtre occidentaux, au risque d'entretenir, malgré ses qualités musicales et scéniques, une image caricaturale de la Russie actuelle.




Emmanuel Grynszpan

 

 

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