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Bizet en marge de l’exotisme

Nancy
Opéra
05/03/2016 -  et 6, 8, 10, 12 mai 2016
Georges Bizet : Les Pêcheurs de perles
Vannina Santoni (Leïla), Edgardo Rocha (Nadir), Jean-François Lapointe (Zurga), Jean Teitgen (Nourabad)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Merion Powell (direction), Chœur de l’Opéra de Metz Métropole, Nathalie Marmeuse (direction), Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Rani Calderon (direction musicale)
Emmanuelle Bastet (mise en scène), Tim Northam (scénographie et costumes), François Thouret (lumières)


(© Opéra national de Lorraine)


Passablement laissé dans l’ombre de Carmen par la postérité – et une inspiration sans doute un peu plus conventionnelle çà et là – Les Pêcheurs de perles de Bizet appartiennent au registre exotique où s’illustre aussi Lakmé de Delibes – les similitudes entre les deux ouvrages, jusqu’à certaines tournures, incitent d’ailleurs à ce rapprochement, et les enjeux pour la représentation scénique aujourd’hui se révèlent sensiblement apparentés. Emmanuelle Bastet l’a manifestement compris: refusant le Ceylan de pacotille, sa production se partage entre la fascination onirique et une épure où affleure la crudité réaliste d’un ailleurs aux relents de colonialisme que d’aucuns diront africain. Oscillant entre safari et guerres ethniques, avec armes et autres kalachnikovs obligées, les costumes de Tim Northam se mettent au diapason de cette économie allusive qui n’a pas besoin d’appuyer le propos politique pour souligner le contraste voulu entre l’éther amoureux et la brutalité religieuse et belliqueuse. Rehaussés par les qualités plastiques autant que poétiques des lumières réglées par François Thouret, les décors ne négligent pas la polyvalence herméneutique, à l’instar de squelettes d’arbres qui se font flambeaux, suggérant carène de bateau ou même carcasse ensablée dans l’abandon. Quant à la direction d’acteurs, elle tire habilement parti des stéréotypes tracés par le livret pour les élever à une crédibilité portée par les interprètes.


La distribution – qui se limite aux quatre solistes exigés, encourageant peut-être les théâtres lyriques à mettre à l’affiche un ouvrage de jeunesse où la maîtrise musicale prend aisément l’ascendant sur le texte – réunie par la maison nancéenne ne connaît guère de faiblesse. L’annonce en début de soirée d’un Jean-François Lapointe souffrant a pu sonner comme une menace sur son Zurga, pour lequel Julien Véronèse aurait été appelé en renfort. Si l’on peut imaginer l’effort du baryton québécois, la plénitude racée de sa voix, riche d’inflexions psychologiques, n’en porte guère d’empreinte décelable à l’oreille. En Leïla, Vannina Santoni frémit d’une intensité presque combative, où s’expriment des ressources expressives qu’elle partage avec le Nadir d’Edgardo Rocha, lequel livre un beau témoignage de subtilité en registre de tête dans son air «Je crois entendre encore» à la fin du premier acte. A l’aune de la musicalité affirmée, on ne s’arrêtera pas à la légèreté de l’instrument. Jean Teitgen résume sans faillir l’incorruptibilité de Nourabad.


Trouvant rapidement un équilibre, les forces chorales de Nancy et Metz réunies, préparées par leurs directrices respectives – Merion Powell et Nathalie Marmeuse – assument leur office. Enfin, à la tête de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Rani Calderon laisse s’épanouir les ressources de la phalange lorraine – entre autres cordes et bois, sans laisser pour autant le reste de la fosse en retrait – dans une lecture aussi cohérente que colorée, qui signale la qualité du travail réalisé par le directeur musical avec ses musiciens.



Gilles Charlassier

 

 

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