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Entre deux chaises Baden-Baden Festspielhaus 04/23/2016 - Johann Sebastian Bach : Messe en si mineur, BWV 232
Christina Landshamer (soprano), Anke Vondung (alto), Kenneth Tarver (ténor), Andreas Wolf (basse)
Chor des Bayerischen Rundfunks, Concerto Köln, Peter Dijkstra (direction) (© Johannes Rodach)
Même des chefs de l’envergure et de l’exigence d’un Riccardo Muti ou d’un Leonard Bernstein n’ont jamais tari d’éloges sur le Chœur de la Radio bavaroise, qui peut passer à juste raison pour l’une des meilleures formations vocales actuellement en exercice. Les quarante chanteurs qui ont fait le déplacement pour cette Messe en si ne font en rien mentir cette réputation : homogénéité impressionnante des voix, justesse impeccable et prononciation limpide, qui restitue même à la perfection les curieuses particularités de la prononciation latine « à l’allemande ». A tous égards, pour les polyphonies complexes de cette messe aux proportions de cathédrale, l’instrument est de référence. Parfois cette belle mécanique semble tourner un peu pour elle-même, laissant apparaître ici ou là quelques longueurs, mais le plus souvent l’adéquation est totale.
Curieuse idée, dès lors, de lui avoir associé le Concerto Köln, formation qui reste fidèle à ses principes historiquement informés et à son instrumentarium indocile. Des timbres certes originaux mais dont les incertitudes et les bavures mettent quand même assez souvent à mal la perfection de ce qui émane des gradins supérieurs. Visuellement aussi, entre l’élégance un rien gourmée des voix et et le capharnaüm insolite des instruments, qui va du pittoresque au franchement peu appétissant (la façon très particulière qu’ont les trompettistes de gérer leurs embouteillages salivaires...), on reste perplexe. Depuis les places du parterre se produisent aussi de désagréables interférences, parasites acoustiques entre l’aigu assez peu propre des violons et certaines notes tenues des sopranos. Quant au cor naturel du « Quoniam », ses borborygmes incontrôlables tournent au sabotage en règle. Impossible dans ces conditions pour la basse, déjà assez peu sûre d’intonation, de maintenir le cap : un vrai festival de couacs, qui dans un autre contexte prêterait peut-être à rire. Plus généralement ce mélange de la carpe et du lapin laisse sur sa faim, d’autant plus que le chef, avant tout un spécialiste de musique chorale, ne fait pas grand chose pour tenter d’homogénéiser le tout. Restent évidemment de belles couleurs, une flûte boisée qui émerge cà ou là, des hautbois agrestes, un solo de violon joliment habité, mais est-ce bien suffisant ?
Solistes de bon niveau, mais mal appariés. En particulier soprano et alto sont toutes deux intéressantes, mais le timbre joliment argentin de la première souffre beaucoup de la proximité de celui, beaucoup plus sombre et chargé d’harmoniques, de la seconde. Les deux s’apprécient mieux séparément, avec une mention particulière pour l’« Agnus Dei » d’Anke Vondung, habité d’une ferveur toute piétiste. Ténor honorable, sans doute plus habitué aux roucoulades rossiniennes qu’à cette ambiance orante, et basse assez souvent prise en défaut de justesse, malgré de belles qualités de timbre.
Une soirée passionnante pour sa part chorale, mais qui pour le reste laisse dubitatif. La cathédrale a ses beautés, mais elle paraît construite de guingois.
Laurent Barthel
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