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«Abdrazadabrantesque»!

Monaco
Monte-Carlo (Opéra)
04/22/2016 -  et 24*, 27, 29 avril 2016
Giuseppe Verdi : Attila
Ildar Abdrazakov (Attila), George Petean (Ezio), Rachele Stanisci (Odabella), Andeka Gorrotxategi (Foresto), Domenico Menini (Uldino), In-Sung Sim (Le Pape Léon Ier)
Ruggero Raimondi (mise en scène), Daniel Bianco (décors), Laura Lo Surdo (costumes), Albert Faura (lumières)
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, Stefano Visconti (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Daniele Callegari (direction musicale)


I. Abdrazakov, G. Petean (© Alain Hanel)


C’est peu dire que l’Attila d’Ildar Abdrazakov, plus carnassier que nature, détruisit tout sur son passage tant sa voix de braise et sa puissance de feu clouèrent le spectateur au fond de son fauteuil. Sans parler d’un timbre d’une rare splendeur, d’une projection royale et d’un legato de rêve couronné par des pianissimi ineffables et magnifiquement timbrés à vous donner la chair de poule. C’est simple, on n’avait pas entendu, dans Verdi, un baryton-basse de ce calibre depuis Samuel Ramey et ce n’est pas pour rien si toutes les plus grandes scènes internationales, de Vienne au Met en passant par Munich, se l’arrachent.


Face à lui, le Foresto d’Andeka Gorrotxategi fut la révélation de la soirée en déployant un timbre plus sombre que les habituels titulaires du rôle et des nuances en voix mixte qui dénotent une réelle musicalité en dépit de quelques aigus un peu incertains en début de soirée. Mais peu à peu, l’instrument s’échauffe et délivre un chant d’une rare insolence qui n’exclut pas une maîtrise de la mezza voce qui force l’admiration. Indiscutablement, voici un ténor à l’avenir prometteur dont la voix de spinto ne devrait faire qu’une bouchée d’Alvaro et Chénier bientôt programmés à Rome et São Paulo.


Mais la pierre d’achoppement d’un grand Attila, c’est aussi le choix d’un soprano susceptible d’endosser les habits d’Odabella. Petite sœur de l’Abigaille de Nabucco en raison de ses sauts d’octaves dardés de contre-ut meurtriers, ce rôle est, en effet, très difficile à distribuer. Malheureusement, l’Opéra de Monte-Carlo a joué de malchance avec les désistements successifs de Carmen Giannattasio et Anna Markarova. C’est donc sur Rachele Stanisci que se porta finalement son choix et ce fut un pari réussi. Certes l’aigu de la soprano italienne est un peu strident mais il reste d’une justesse impeccable et son tempérament de tigresse fut tempéré par une belle sensibilité grâce à des diminuendi parfaitement intégrés à la ligne de chant.


En revanche, on sera plus réservé sur l’Ezio bien chantant mais trop monolithique et avare de nuances de George Petean et sur la battue manquant de rebond rythmique de Daniele Callegari. N’est pas Riccardo Muti qui veut...


Enfin, on jettera un voile pudique sur la mise en scène, certes esthétique mais beaucoup trop littérale de Ruggero Raimondi (créée à Liège en 2013). Dans un décor sorti tout droit d’une toile de Véronèse et représentant un palais encadré de monumentales colonnes sur fond de ciel orageux ou lunaire, les chœurs, pourtant excellents mais souvent placés en rang d’oignons, donnaient visuellement l’impression de chanter une version de concert quand les solistes, livrés à eux même, faisaient de leur mieux pour donner vie à des tableaux bien statiques. Mais à l’impossible nul n’est tenu... Quel dommage, pourtant, d’occulter ainsi le sens profond d’un opéra qui, à l’instar de Nabucco, servit d’hymne au Risorgimento en raison de l’effet miroir entre l’oppression d’Attila sur les Aquiléens et la mainmise de Metternich sur le peuple italien.


En dépit de ces réserves, on gardera un souvenir ébloui de ce carré d’as vocal dominé par la performance «abdrazadabrantesque» du baryton-basse russe.



Eric Forveille

 

 

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