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Brundibár en déconstruction pédagogique

Lyon
Théâtre de la Croix-Rousse
03/29/2016 -  et 30, 31 mars, 1er, 2*, 3 avril 2016
Hans Krása : Brundibár
Mathieu Gardon (Brundibár)
Solistes et Chœur de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon
Orchestre de l’Opéra de Lyon, Karine Locatelli (direction musicale)
Jeanne Candel (mise en scène), Lisa Navarro (décors), Pauline Kieffer (costumes), Vyara Stefanova (lumières), Isabelle Catalan (collaboration artistique et chorégraphique)


(© Jean-Louis Fernandez)


Le «Festival pour l’humanité» qui identifie le cru 2016 du rendez-vous lyrique donné chaque début de printemps par l’Opéra de Lyon a manifestement choisi de se concentrer sur les sombres heures de la Seconde Guerre mondiale, et plus exactement de la Shoah. Le choix des œuvres en témoigne: une création d’ouverture relatant l’ultime voyage du penseur allemand juif Walter Benjamin (voir ici), une nouvelle production de La Juive d’Halévy (voir ici), une reprise de L’Empereur d’Atlantis d’Ullmann et la présente nouvelle production de Brundibár réalisée en partenariat avec la Comédie de Valence.


Revenant aux fondamentaux de cette œuvre, conçue dans le cadre d’un concours lancé par l’Enseignement tchèque, juste avant l’invasion nazie, la conception de Jeanne Candel n’enferme pas l’ouvrage de Hans Krása dans l’histoire de Terezín dont il constitue l’un des emblèmes musicaux reconstitués par la postérité – au demeurant on ne saurait renier le lien indissoluble de la pièce avec le ghetto juif, à Prague, où elle a été créée quelques mois avant le camp, en 1942, quatre ans après les circonstances baptismales initiales. C’est ainsi que l’ensemble du plateau revient à des enfants, à l’exception du tyran éponyme, confié à l’efficace Mathieu Gardon, qui témoigne d’une évidente sensibilité textuelle, également dans l’introductif ultime et lunaire morceau des Chants d’un compagnon errant de Mahler. On saluera à ce titre le travail réalisé par les solistes et le chœur de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, où l’engagement théâtral compense des gaucheries parfois compréhensibles – certaines interventions gagneraient à moins de sagesse scolaire.


La destination, non limitative, du public, avec plusieurs matinées consacrées, a induit cependant une approche de la lettre, adaptée à la disponibilité vernaculaire – à la traduction française échappent essentiellement les chansons populaires tchèques. Sans céder à l’actualisation, le contenu du drame a été quelque peut extrait de son contexte famélique belliqueux pour être resitué dans un univers que les enfants connaissent bien – l’école, qui ici, se fait buissonnière sous les coups de butoir d’un dictateur en frac, lequel prend l’allure d’un limonaire égrenant les airs les plus célèbres du répertoire lyrique, dans un mépris absolu et désopilant des tessitures, et une rivalité avec les mélopées enfantines. La complicité avec les décors de Lisa Navarro, où l’on reconnaît une bouche de monstre et ses dents en tissu, fonctionne avec un sens évident de l’humour, quand le piano sert aussi de poêle à frire un œuf, sur fond de Figaro rossinien et autres belcantos populaires. La chute du croquemitaine prend quelques détours, à instar de la réécriture du livret, sans altérer l’impact sur un auditoire particulier, que le spectacle prend soin de ne pas choquer inutilement, sans édulcorer le propos. Mentionnons le dynamique travail chorégraphique d’Isabelle Catalan, ainsi que les lumières de Vyara Stefanova, soulignant la simplicité évocatrice à laquelle participent les costumes de Pauline Kieffer, et la direction de Katherine Locatelli, à la tête d’un ensemble composé de musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, enfermés dans des cages de poulailler, comme une prémonition du destin des premiers interprètes de l’œuvre.



Gilles Charlassier

 

 

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