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Une Tosca haute en symboles et en voix Toulon Opéra 04/03/2016 - et 5, 8 avril 2016 Giacomo Puccini : Tosca Cellia Costea (Floria Tosca), Stefano La Colla (Mario Cavaradossi), Carlos Almaguer (Baron Scarpia), Federico Benedetti (Caesare Angelotti), Joe Shovelton (Spoletta), Philippe-Nicolas Martin (Sciarrone), Jean-Marc Salzmann (Le sacristain), Jean Delobel (Le geôlier), Carla Fratini (Un pâtre)
Chœur et Maîtrise de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Giuliano Carella (direction musicale)
Claire Servais (mise en scène), Carlo Centolavigna (décors), Michel Fresnay (costumes), Olivier Wéry (lumières)
Grand classique du répertoire, la Tosca de Puccini invite toujours à un soupçon de démesure, instillé par le drame puissant tiré de la pièce de Victorien Sardou. Celle que Claire Servais propose à l’Opéra de Toulon, déjà étrennée à Liège, se contient dans les limites du symbole. Les décors de Carlo Centolavigna, comme les costumes de Michel Fresnay, ne cherchent pas à s’affranchir de l’esthétique réaliste: le tableau de la Madone en cours d’exécution fait face à la chapelle des Attavanti et l’arrivée de Scarpia ne fait pas l’impasse sur la pompe. L’intérieur du Farnese privilégie l’efficacité aux ornements, quand les lumières d’Olivier Wéry ne négligent pas les teintes de l’aube à Saint-Ange. Si la direction d’acteurs dessine les caractères, jusqu’aux secondaires, avec un soin des archétypes, sinon des stéréotypes, d’aucuns discuteront l’imposante croix dont l’inclinaison fait ombre funèbre sur le corps de Scarpia, tandis que Tosca jette une des roses rouges, offrande de sa soirée de cantatrice avec laquelle elle entre au début de l’acte dans l’antre du baron, en guise de candélabre pour ponctuer un rituel jadis improvisé par Sarah Bernhardt et depuis ancré dans la tradition.
Dans le rôle-titre, Cellia Costea imprime une personnalité palpable, qui ne court pas inutilement derrière le patronage des légendes. On pourrait souhaiter jalousie plus contrastée ou confrontation plus épique, mais les moyens ne font point défaut, et assurent une performance estimable. En Cavaradossi, Stefano La Colla livre l’essentiel d’une figure pas davantage frappée du sceau de la nuance que ses comparses d’intrigue, sans pour autant oublier la valeur du texte, dont il fait sentir, au-delà de son éclat et sa robustesse évidents, la force théâtrale et le sel de rébellion. D’une vigueur sans faiblesse, au diapason d’un personnage public moulé dans la cruauté, Carlos Almaguer n’embarrasse pas Scarpia de scrupules. Sa brutalité manipulatrice s’expose sans filtre, que le baryton mexicain exalte tous décibels dehors, sans s’abîmer pour autant dans l’excès tonitruant, pour le plus grand bonheur du public.
Federico Benedetti dessine un Angelotti au timbre rendu fruste par les abois. Le Spoletta de Joe Shovelton rivalise de servilité avec le Sciarrone de Philippe-Nicolas Martin. Jean-Marc Salzmann se délecte de la bigoterie du Sacristain. Mentionnons encore les forces du Chœur et de la Maîtrise de l’Opéra de Toulon, préparées par Christophe Bernollin, d’où sont tirées le Geôlier et le Pâtre, respectivement Jean Delobel et Carla Fratini. Quant à la direction de Giuliano Carella, au fait du répertoire puccinien, elle insuffle une vitalité haute en couleur à une partition généreuse en effets.
Gilles Charlassier
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