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Match inégal Venezia Palazzetto Bru Zane 04/10/2016 - Charles Gounod : Quatuor à cordes n° 2 en la majeur
Benjamin Godard : Quatuor à cordes n° 2 en la majeur, opus 37 Quatuor Mosaïques: Erich Höbarth, Andrea Bischof (violon), Anita Mitterer (alto), Christophe Coin (violoncelle)
C. Coin, A. Bischof, A. Mitterer, E. Höbarth
Le Palazzetto Bru Zane, souvent qualifié de start-up du romantisme, qui siège à Venise dans le quartier de San Polo, à deux pas de deux institutions majeures, la Scuola San Rocco et ses peintures du Tintoret et la basilique des Frari, où dort pour toujours Monteverdi, a été acheté à la famille Habsbourg par une mélomane française, le docteur Nicole Bru, veuve du fondateur du laboratoire UPSA (l’inventeur de la célèbre aspirine effervescente, source profits colossaux). Elle n’a pas ménagé ses efforts, avec la collaboration du chef Hervé Niquet, pour en faire une fondation consacrée à la défense du patrimoine musical romantique français. On ne compte plus les compositeurs remis à l’honneur et le travail acquis et en cours dans ce champ de la musicologie par une équipe aussi dynamique qu’exigeante sur le plan de la qualité.
La Palazzetto restauré avec un soin particulier comporte à l’étage une superbe salle de concerts à deux niveaux, d’une jauge d’une centaine de personnes, magnifiquement décorée et excellente acoustiquement. C’est évidemment un lieu idéal pour y écouter de la musique de chambre, plus que piano et voix qui peuvent y sonner trop fort.
Le second concert du premier weekend vénitien consacré à Benjamin Godard (1848-1895) par le Palazzetto Bru Zane-Centre de musique romantique française (voir par ailleurs ici) était dédié à sa musique de chambre, volet important de sa production qui s’est enrichi tout au long de sa carrière, notamment après sa nomination au poste de professeur de la classe d’ensemble instrumental du Conservatoire de Paris en 1887. C’est le Quatuor Mosaïques, fondé à Vienne en 1987 par le violoncelliste Christophe Coin, alors musicien dans les ensembles de Nikolaus Harnoncourt, que l’on retrouvait avec bonheur qui confrontait en un court concert d’après-midi deux quatuors du répertoire du XIXe siècle parisien. Godard versus Gounod, une affiche décente certes, l’un valorisant l’autre au plan de la notoriété, mais qui s’est avérée un match d’une cruelle inégalité. Le Deuxième Quatuor de Gounod (1887), déjà jugé sévèrement par son compositeur qui ne voulait pas le faire entendre, est d’un classicisme total mais surtout tellement académique dans son absence d’originalité et d’individualité et son désir un peu démagogue de rendre hommage aux géants du passé.
Joué en premier, il a servi de faire valoir au très étonnant Deuxième Quatuor, lui aussi en la majeur de Benjamin Godard, créé dix ans plus tôt par Eugène Ysaÿe. Godard fuyait les parfums de l’influence wagnérienne mais son quatuor n’échappe pas à celle du romantisme allemand et même parfois de la musique russe en vogue à Paris à cette époque. L’écriture en est constamment originale, riche dans ses sonorités à la manière de Brahms mais avec des harmonies toujours très singulières qui lui donnent un ton résolument français. Il réussit un magnifique équilibre entre ses différents mouvements et une très belle progression dramatique dans la succession des différents climats.
Le Quatuor Mosaïques a parfaitement rendu justice aux qualités respectives des deux œuvres et c’était un bonheur d’entendre ces musiciens qui ont enregistré, et continuent de le faire, le patrimoine allemand du quatuor à cordes, mettre leur grande maturité au service de deux œuvres méconnues. Le 9 juin au Théâtre des Bouffes du Nord, ils reprendront ce programme en y adjoignant le Quatuor de Debussy, pour le concert de clôture de la quatrième édition du festival Palazzetto Bru Zane à Paris.
Olivier Brunel
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