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Résurrection d’une Bien-Aimée lointaine Paris Philharmonie 1 04/08/2016 - et 9 (Massy), 10 (Villeparisis), 12 (Sénart), 14 (Le Perreux-sur-Marne), 15 (Puteaux), 16 (Provins) avril 2016 Franz Schubert : Rosamunde, D. 797: Ouverture
Darius Milhaud : La Bien-Aimée
Igor Stravinsky : Le Sacre du printemps Rex Lawson (pianola)
Orchestre national d’Ile-de-France, Enrique Mazzola (direction)
E. Mazzola (© Eric Garault)
Ce sont surtout les ballets qui ont assuré la notoriété de Milhaud : L’Homme et son désir, Le Bœuf sur le toit, La Création du monde, Le Train bleu... On a vite oublié La Bien-Aimée, sur un scénario d’Alexandre Benois, créé à l’Opéra par Ida Rubinstein dans une chorégraphie de Bronislawa Nijinska, avec Walther Straram au pupitre. Parce que la musique consiste en des arrangements de pièces pour piano de Schubert et de Liszt, dont le « Sposalizio », la première Valse oubliée et le Grand galop chromatique ? L’effectif, pourtant, est original : un orchestre symphonique... et un pianola, cette invention de la maison Pleyel, où la musique vient de rouleaux en papier perforé, que le pianiste doit préparer et actionner grâce à un système pneumatique – la nouveauté fit fureur et un Stravinsky enregistra sur le fameux Pleyela beaucoup de ses œuvres. Les brillants et savoureux arrangements de Milhaud oscillent entre la valse viennoise et le music-hall. Sans doute La Bien-Aimée a-t-elle surtout souffert d’être associée au Boléro de Ravel, créé le même soir du 22 novembre 1928 par les mêmes interprètes. On remerciera donc l’Orchestre national d’Ile de France d’avoir ressuscité six de ses huit numéros, d’autant plus qu’Enrique Mazzola la défend avec une verve enthousiaste. Le maître d’œuvre reste cependant le pianiste Rex Lawson, le « pianoliste » d’aujourd’hui, tête de professeur Nimbus et barbe de Père Noël, qui a préparé les rouleaux et permis cette « recréation mondiale ».
On remontait un peu le temps pour un Sacre du printemps de haute volée – l’Ouverture de Rosamonde de Schubert, en début de concert, n’échappait pas à une certaine raideur, notamment à cause de cordes trop sèches et peu homogènes. L’orchestre, même poussé dans ses limites, donne chez Stravinsky le meilleur de lui-même – belle petite harmonie, notamment. Mazzola en offre une lecture très dionysiaque, aux couleurs crues et aux rythmes acérés, sans rien bousculer pour autant, soucieux des transitions – on reconnaît le chef de théâtre, qui sait éviter la fragmentation. Et la violence orgiaque du rituel primitif, toujours prête à éclater, dont une « Danse sacrale » impeccablement tenue constitue l’apogée, n’exclut pas les climats, comme dans les « Rondes printanières » ou les « Cercles mystérieux des adolescentes », voire même un certain lyrisme. La phalange francilienne est toujours entre de bonnes mains.
Didier van Moere
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