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Pari tenu

Paris
Théâtre du Châtelet
03/16/2016 -  et 18, 19, 20, 22, 23, 24 mars 2016
Stephen Sondheim : Passion
Natalie Dessay (Fosca), Ryan Silverman (Captain Giorgio Bachetti), Erica Spyres (Clara), Shea Owens (Colonel Ricci), Karl Haynes (Docteur Tambourri), Michael Kelly (Sergeant Lombardi, Cook), Nicholas Garrett (Lieutenant Barri, Le père de Fosca), Franck Lopez (Major Rizzolli), Damian Thantrey (Count Ludovic), Matthew Gamble (Private Augenti), Tara Venditti (La mère de Fosca), Kimy Mc Laren (Mistress)
Orchestre philharmonique de Radio France, Andy Einhorn (direction musicale)
Fanny Ardant (mise en scène), Guillaume Durrieu (décors), Milena Canonero (costumes), Jean Guizerix (chorégraphie), Urs Schönebaum (lumières)


R. Silverman, N. Dessay (© Théâtre du Châtelet/Marie-Noëlle Robert)


Pour la cinquième fois, le Théâtre musical de Paris Châtelet révèle au public français une œuvre de Stephen Sondheim, avec la création française de Passion, dans des conditions musicales et théâtrales optimales.


Jean-Luc Choplin aura une fois de plus réussi le pari avec Passion, créé à Broadway en 1994, de montrer au public parisien une œuvre rare de Stephen Sondheim. Pourtant ce défi n’était pas gagné d’avance, car cette fois il n’avait pas misé sur une équipe complètement américaine et rompue au genre musical en choisissant d’en confier la mise en scène à Fanny Ardant et un des deux rôles principaux au soprano français Natalie Dessay. Autres français dans l’équipe, le danseur étoile Jean Guizerix pour la chorégraphie et le peintre Guillaume Durrieu pour les décors. Il faut dire que Passion, inspiré à la fois du film Passione d’amore d’Ettore Scola et du roman Fosca d’Iginio Tarchetti, n’est pas à proprement parler un musical avec de la bonne humeur, un happy end, un découpage en scènes et des numéros de danse obligés. Il s’agit d’un mélodrame sombre, composé en un flot continu avec quelques airs intégrés dans un flux d’ariosos et aussi de dialogues parlés, pas le contraire d’un opéra dont le sujet n’aurait pas rebuté un Puccini, bien que Sondheim s’en défende et y voie plutôt «une longue chanson rhapsodique».


Clés de ce succès? Elles sont multiples, la principale étant que Fanny Ardant n’ait pas souhaité faire dire à l’œuvre autre chose que ce qu’elle signifie. Sa mise en scène extrêmement sobre joue sur le dépouillement ce qui serait assez risqué sur la grande scène du Châtelet si elle n’y était pas aidée par le très beau «décor», en fait des toiles peintes par Guillaume Durrieu, et les costumes impeccables de Milena Canonero. Quelques accessoires, une table pour la garnison, un lit pour la chambre de Fosca et de superbes éclairages d’Urs Schönebaum créent la magie théâtrale. Et puis la distribution, un vrai sans faute où chaque petit rôle est parfaitement distribué et les deux protagonistes exceptionnels. Ryan Silverman, baryton canadien grand spécialiste de la comédie musicale américaine, possède le physique idéal pour incarner le Capitaine Giorgio Bachetti, belle stature et vulnérabilité qui permet à son personnage d’évoluer à vue d’œil lors de ces deux petites heures de spectacles. Natalie Dessay, ce n’est pas une surprise, possède un vrai tempérament scénique. Mais pour la première fois elle se cantonne à une sobriété, si l’on peut dire pour le personnage de Fosca qui est au sens clinique une hystérique, sans vouloir en rajouter pour épater la galerie. Son anglais parlé comme chanté sont impeccables. Vocalement elle domine un rôle pas si évident de tessiture, assez éloigné de celle des grands rôles de sa carrière d’opéra. On regrette seulement que le soir de la première représentation la sonorisation des chanteurs était vraiment trop poussée. Un des atouts principaux de cette réussite était la présence dans la fosse de l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé avec beaucoup de finesse par Andy Einhorn.


Avec ses fondus enchaînés, ses flashbacks et l’intervention de songes et des personnages antérieurs à l’action, le déroulement en un seul tenant de Passion a passé comme un songe et dans une grande lisibilité à mettre au crédit de Fanny Ardant assistée par une équipe impressionnante venue, tout comme le chorégraphe Jean Guizerix, responsable de l’animation des militaires et de la partie onirique de l’action, recueillir leur part du triomphe que leur a réservé le public assez majoritairement anglophone de la première représentation.



Olivier Brunel

 

 

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