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Sofja la flamboyante Paris
The Scots Kirk
03/12/2016 -
Johannes Brahms : Variations sur un chant hongrois, opus 21 n° 2 – Thème et Variations en ré mineur – Zigeunerlieder, opus 103 (transcription Theodor Kirchner) – Quatuor avec piano n° 1, opus 25: 4. Rondo alla zingarese (transcription Dohnányi)
Ernö Dohnányi : Quatre Rhapsodies, opus 11
Sofja Gülbadamova (piano)
S. Gülbadamova
Pour rares et discrètes que soient les apparitions de Sofja Gülbadamova (née en 1981) dans les agendas de concerts français, elles sont toujours des événements et des expériences uniques. Composé sans concession de pages aux liens ténus – la Hongrie, les variations, l’influence tzigane, les transcriptions – traversant des œuvres peu fréquentées de Brahms et du compositeur hongrois Ernö Dohnányi, ce récital nous a bouleversés.
On ne sait quelle énergie spirituelle envahit la pianiste lorsque, après une présentation approfondie et touchante des œuvres, elle relève la tête dans un port noble et inspiré avant de plonger dans la partition. En quelques notes, on mesure les hautes sphères techniques et musicales dans lesquelles évolue l’interprète. Phrasés éloquents et amples pour un chant si lyrique; son magnifique, celui des pianistes formés à l’école russe, mais sans violence ni dureté; virtuosité courageuse et surtout intensité du discours.
Il faut une grande intelligence structurelle pour convaincre dans les Variations sur un chant hongrois du jeune Brahms, complexes et parfois touffues. La transcription pour piano de l’Andante ma moderato du Premier Sextuor, Thème et Variations en ré mineur, offerte à Clara Schumann pour son anniversaire, sonne idéalement. La matière est dense. Avec une intensité brûlante, Sofja Gülbadamova conduit, dans le souvenir des coups d’archets originels, ces vastes variations amplificatrices progressant inéluctablement de l’ombre du thème lyrique et résigné à la lumière cristalline, très pianistique, de la dernière partie.
On découvre la version pianistique des Chants tziganes transcrits par Theodor Kirchner (1823-1903), ami de Brahms et du couple Schumann et auteur, notamment, des admirables Préludes opus 9. Privée de voix, la richesse pianistique de ce cycle, puisé à la source tzigane au retour d’un voyage en Hongrie durant l’hiver 1887/1888, apparait dans toute sa splendeur. Dans un élan vertigineux, rendant ces pages tour à tour étincelantes, passionnées, déchirantes, la pianiste russe se joue de toute la complexité de l’écriture pianistique brahmsienne.
On connait la complicité qui unit Sofja Gülbadamova avec l’œuvre de Dohnányi (disque Passavant Music PAS 2272), musicien qu’elle programme souvent. «J’aimerais que ce compositeur devienne pour vous un ami...» nous dit-elle après un touchant témoignage sur la vie tragique du compositeur, virtuose adulé, personnage central de la vie musicale hongroise, immense pédagogue, accusé de nazisme dans les années 1930 et traqué par le régime communiste hongrois même après son exil aux Etats-Unis. Les Quatre Rhapsodies opus 11 sont abordées avec une conviction et un relief bouleversants. Cri de l’âme blessée, empruntant certes à Brahms et à Liszt, regardant vers Chostakovitch ou Prokofiev tout en conservant une saveur unique où se mêlent de farouches accents, de frénétiques effets de cymbalum, de noires prémonitions illustrées par une citation du Dies irae, de tendres confessions et de grands élans lyriques et passionnés, ces pages semblent avoir été écrites pour elle.
Une irrépressible transcription de Dohnányi du Rondo alla zingarese extrait du Premier Quatuor avec piano de Brahms achevait ce concert. Chaleureusement ovationnée et rappelée, la pianiste nous offrait en bis deux délicates pièces de jeunesse de Dohnányi, l’Albumblatt en fa (1899) et Gavotte et Musette (1898).
Le site de Sofja Gülbadamova
Christian Lorandin
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