About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

La quintessence debussyste

Paris
Maison de la radio
03/18/2016 -  
Pierre Jodlowski : Ultimatum (création)
Olivier Messiaen : L’Ascension
Claude Debussy : Images

Orchestre philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction)


M. Franck


Programme français pour le dernier concert du Philhar’ dirigé par Mikko Franck, avec d’abord la création mondiale d’Ultimatum de Pierre Jodlowski. Dix minutes d’une musique éruptive, en coup de poing, pour cordes, deux percussions, son électronique et texte enregistré. Le texte vient du très contestataire Ultimatum de Pessoa, hymne visionnaire, également, à une Europe nouvelle, qu’on pourrait croire écrit aujourd’hui alors qu’il date de 1917. Loin des « retours » plus ou moins assumés de certains de ses contemporains, le compositeur français perpétue la posture contestataire des décennies précédentes: le musicien se doit aussi de porter une parole politique. Atteint-il son but ? Oui, dans la mesure où on se laisse emporter par cette écriture acérée, écorchée vive, aux trémolos rugissants, condensé de tension exploitant les ressources des instruments, que Mikko Franck dirige avec autant de brio que de précision. Non, dans la mesure où la fusion avec le texte reste problématique. C’est une commande de Musique nouvelle en liberté qui, selon la coutume, sollicite le lauréat du Grand Prix lycéen des compositeurs : ce fut le cas de Pierre Jodlowski en 2015. Le texte de Pessoa est d’ailleurs lu par quatre lycéens, deux garçons et deux filles.


L’Ascension de Messiaen nécessite une disposition très différente de l’orchestre – chez Jodlowski, altos et contrebasses faisaient face au chef, les autres cordes étant placées en éventail. Heureusement, cela prend un certain temps : la transition d’une œuvre à l’autre, entre le cri de révolte d’Ultimatum et le mysticisme des Quatre méditations symphoniques, ne va pas de soi. La direction répugne ici à toute approche sulpicienne exhalant des vapeurs d’encens. Mikko Franck joue plutôt sur une autre tradition française, celle de la clarté, quitte à dépouiller un peu de sa dimension rituelle le choral de « Majesté du Christ demandant sa gloire à son Père » et à l’annexer à la musique pure. La clarté n’est pourtant pas sécheresse, surtout dans les Méditations suivantes : « Alléluias sereins d’une âme qui désire le Ciel » garde tout son pouvoir d’évocation, « Alléluia sur la trompette, Alléluia sur la cymbale » la souplesse de ses rythmes dansants. A la différence de la première Méditation, « Prière du Christ montant vers son Père » renoue avec le sacré par la ferveur intériorisée du chant des cordes, où s’exprime bien « l’entrée du Seigneur ressuscité dans la "lumière inaccessible" du Père ».


Ce sont cependant les Images de Debussy qui constituent le sommet du concert : le chef et l’orchestre en ont, comme rarement, percé tout le secret, comprenant que tout Debussy se résume ici, avec des échos des clairs obscurs mystérieux de Pelléas dans Gigues, pourtant la dernière Image composée, des anticipations de Jeux dans Rondes de printemps. S’ils ont déjà donné le triptyque, s’ils l’ont déjà enregistré, ils poussent encore plus loin l’analyse : tout s’entend, jusqu’aux sonorités les plus infimes. Sans doute comprend-on ici où se situe l’impressionnisme de Debussy : plutôt que dans l’érosion des contours et des couleurs, dans l’atomisation graduée de la sonorité et la captation du mystère. Et dans la gestion de la durée, là où parfois la précision du détail fragmente le temps en succession de séquences. Le premier accord d’Iberia claque à travers l’air brûlant de l’Espagne, mais tout y semble ensuite un jeu perpétuel entre l’ombre et la lumière, avec des « Parfums de la nuit » grisants de sensualité diffuse, un exotisme sublimé mais jamais éludé. Un des plus beaux moments de musique de la saison.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com