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Complicités au sommet

München
Philharmonie im Gasteig
01/29/2016 -  et 30* janvier 2016
Richard Strauss : Don Quixote, opus 35
Antonín Dvorák : Ouverture « Carnaval », opus 92 – Symphonie n° 8, opus 88

Yo-Yo Ma (violoncelle)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Mariss Jansons (direction)


M. Jansons (© Dieter Nagl)


Mariss Jansons a préféré se retirer l’an dernier du Concertgebouw d’Amsterdam, pour ne plus diriger que « son » second orchestre, celui de la Radio bavaroise à Munich. Un choix qui n’a pas du être facile, tant ces deux phalanges sont d’un niveau équivalent, et chacune avec leur personnalité propre.


L’orchestre munichois reste plus discret par nature, ses fonctions radiophoniques l’immobilisant davantage sur place, mais quelle formation ! Au cours de cette soirée d’abonnement, on retrouve des cordes d’une chaleur confortable, des titulaires de petite harmonie qui font assaut de précision et de musicalité, des cuivres au beau son fondu (à l’exception de trompettes un rien fatiguées ce soir-là) et surtout un esprit chambriste particulier, chaque pupitre semblant participer collectivement à une démarche d’ensemble incessamment concertée. Rien que la vision des violoncelles, avec en première rangée deux jeunes gaillards d’un enthousiasme particulièrement communicatif, constitue à elle seule un sujet d’émerveillement. Sans même parler du timbre de cette section de violoncelles toute entière, d’une rondeur extraordinaire.


Un magnifique orchestre, auquel ne fait défaut, contrairement à ce qui se passe à Amsterdam, qu’une salle à son niveau. Ce soir-là, assis à d’excellentes places, l’acoustique de la vaste Philharmonie du Gasteig nous a paru moins creuse que d’habitude. Et encore, après quelques minutes d’acclimatation seulement, comme s’il fallait que l’air se réchauffe un peu... Peut-être a-t-on de nouveau modifié la position des nombreuses coupoles transparentes suspendues au dessus des musiciens ? Cela dit le problème de salle de ce prodigieux orchestre, toujours en déshérence entre ce vaste Gasteig et la vénérable Herkulessaal de la Résidence, semble loin d’être résolu.


Même à Munich, les apparitions de Mariss Jansons ne sont plus fréquentes et gardent un caractère festif. Les attentes du public sont grandes et on comprend vite pourquoi, car dès que la baguette du chef letton se lève il se passe des choses prodigieuses. Souplesse de la battue, évidence des phrasés, dosage parfait des dynamiques, impeccable relance rythmique, chaque événement semblant découler sans heurt du précédent... On ne sait qu’admirer le plus. Et ceci sans la moindre complaisance ni le moindre désir apparent de déployer pour eux-mêmes les fastes d’une belle cylindrée orchestrale. Ce soir-là, on reste particulièrement fasciné par l’Ouverture Carnaval de Dvorák, pétulante, cuivrée, bourrée d’effets discrètement marqués mais jamais pesants, construite comme un grand livre d’images que l’on parcourt avec gourmandise (y compris des effluves délicieusement féeriques qui semblent émaner tout droit de l’opéra Rusalka), jusqu’au tourbillon final qui laisse ébahi et ravi !


Pour la petite histoire, cette œuvre n’est pas mentionnée dans le programme. Jouée juste après l’entracte, c’est l’œuvre surprise (en allemand Überraschungsstück) de la soirée. Mariss Jansons arrive avec un micro et annonce... qu’il donnera le titre, mais seulement après ! Et ce n’est effectivement qu’une fois l’exécution terminée que le chef reprend son micro pour révéler de quoi il s’agissait, à ceux qui n’auraient pas identifié d’eux-mêmes. Petit piment supplémentaire ? Epreuve de reconnaissance pour stimuler ceux qui ont envie de se prêter au jeu ? On ne gagne rien de particulier si on s’est montré sagace, mais l’idée est originale et de surcroît menée jusqu’au bout : au sortir de la salle les ouvreuses distribuent le titre de l’œuvre et sa présentation, sur une feuille volante destinée à remplacer dans le programme la page où ne figurait jusqu’ici qu’un point d’interrogation...


Après ce moment ludique, le programme s’achève par une Huitième Symphonie de Dvorák qui fournit notamment de belles occasions de briller à notre compatriote le flûtiste Philippe Boucly. Là encore, le velouté charnu des cordes, la somptuosité des cuivres, et surtout l’énergie constante que le chef investit dans la relance de la machine font merveille. Cette symphonie est par nature d’un abord facile mais sa mise en place est tout sauf évidente, avec de nombreux risques de banalité voire d’enlisement. Ici le résultat est parfait, et l’accueil particulièrement chaleureux du public, voire de l’orchestre, quand Mariss Jansons vient saluer, en dit plus long que tout autre commentaire.


En première partie, c’est Yo-Yo Ma qui tient la partie soliste dans Don Quichotte de Strauss. On ne présente plus cet interprète au son généreux et aux mimiques passionnées: au violoncelle c’est vraiment la facilité absolue, la musicalité même. Assis juste en face, on se délecte de cet engagement voire de cette théâtralité sensible et sincère (la mort de Don Quichotte, poignante, arrache des larmes). Et pourtant, ni continuellement soliste, ni simplement fondue dans l’orchestre, cette fonction de héros intermittent pose des problèmes, que Yo-Yo Ma résout en jouant parfois aussi la partie des violoncelles du rang, mais avec une telle puissance qu’il reste à flotter au dessus du tutti, comme une présence en filigrane. Ceci avec un vibrato qui fait parfois osciller tout l’instrument, mais sans que le son paraisse jamais boursouflé. Beaux moments de comédie aussi, comme ce succulent échange de pizzicati avec l’alto solo de l’orchestre (Sancho Pança : rôle tenu ici par Wen Xiao Zheng). Les numéros enchaînés se succèdent en florilège, Maris Jansons coordonne le tout à la perfection : une exécution de rêve !


Au moment des bis, encore deux surprises. Yo-Yo Ma joue avec l’orchestre l’Entracte de Don Quichotte de Massenet, moment de charme pour violoncelle concertant que l’on a un peu trop tendance à oublier aujourd’hui. Une occasion aussi pour Yo-Yo Ma de rappeler que l’on va fêter cette année le quatre centième anniversaire de la mort de Cervantès. Et puis encore, avec le tout jeune et talentueux premier violoncelle de l’orchestre, un Tango à deux, gorgé d’humour et de sonorités pulpeuses. Quel concert ! Heureux Munichois !



Laurent Barthel

 

 

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