About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Tempête sur Garnier

Paris
Palais Garnier
02/05/2016 -  et 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19* février 2016

Tombe (création)

Jérôme Bel (conception)


La nuit s’achève (création)
Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 23 «Appassionata», opus 57
Benjamin Millepied (chorégraphie), Camille Dugas (scénographie), Alessandro Sartori (costumes), Madjid Hakimi (lumières)
Alain Planès (piano)


Les Variations Goldberg
Jerome Robbins (chorégraphie), Joe Eula (costumes), Jennifer Tipton (lumières)
Simone Dinnerstein (piano)


S. Lissner, A. Dupont, B. Millepied
(© Christian Leiber/Opéra national de Paris)



Le Ballet de l’Opéra national de Paris a connu dans les premières semaines du mois une tempête sans précédent. Départ et remplacement quasi dans la même journée du directeur de la danse, le très médiatique Benjamin Millepied, suivi de la création de sa dernière chorégraphie lors d’une soirée roborative. Ballet de conférences de presse et réactions diverses, dont certaines particulièrement acides à l’encontre du chorégraphe et directeur sortant.


Tempête ou plutôt tsunami médiatique de quarante-huit heures dans le petit monde parisien de la danse avec l’annonce simultanée le 4 février par les voies officielles et les relais sociaux de la démission du chorégraphe Benjamin Millepied, nommé directeur de la danse il y a à peine quinze mois, succédant à Brigitte Lefèvre, qui était restée à ce poste pendant vingt ans. Le lendemain, une conférence de presse annonçait la nomination de la danseuse étoile Aurèlie Dupont, retraitée du Ballet depuis neuf mois, soit le retour d’une personnalité du sérail, Millepied danseur français formé par le Conservatoire de Lyon ayant fait sa carrière de danseur et de chorégraphe aux Etats-Unis, principalement au New York City Ballet.



Tombe (S. Milley, B. Pech) (© Benoîte Fanton/Opéra national de Paris)


Quelques jours après, Millepied présentait sa prochaine saison – il ne sera pas présent car quittera l’Opéra en septembre – ainsi qu’un un nouveau programme au Palais Garnier, auquel il avait ajouté au projet initial sa dernière chorégraphie et sixième pour le Ballet, La nuit s’achève, réalisée sur la Sonate «Appassionata» de Beethoven. Programme roboratif qui commençait avec une «conception» de Jérôme Bel, chorégraphe dans le vent de la «non-danse» dont c’était la deuxième création pour l’Opéra de Paris après le très remarquable Véronique Doisneau, projet réalisé en 2004 sur le quotidien, les joies mais aussi les frustrations d’une danseuse du corps de ballet partant à la retraite. Ce projet, qui est resté ponctuel, est cependant montré dans plusieurs musées d’art contemporain dans le monde. Cette fois, Bel a eu l’idée de demander à trois danseurs maison d’inviter chacun sur scène une personne qui normalement n’aurait jamais eu l’occasion d’y danser. La première était Henda Traore, une jeune caissière de supermarché et baby-sitter d’origine malienne, que le coryphée Grégory Gaillard, après lui avoir fait visiter le plateau et montré la salle d’une façon très pédagogique, invite à danser sur une musique de son choix dans le feu du projecteur de poursuite. Et les deux de se lancer sur une musique ethnique africaine dans une magnifique improvisation, assez cocasse dans le décor de la très ancienne production de Giselle planté sur scène. Et cela car ce projet nommé Tombe avait comme une deuxième invitée, du sujet Sébastien Bertaud, Sandra Escudé, une danseuse devenue accidentellement unijambiste, venant en fauteuil roulant danser le fameux duo de la d’Albrecht au deuxième acte de Giselle. Moment très poétique et d’émotion intense. Mais pour les habitués du Palais Garnier, la dernière invitée donnait vie à une expérience encore plus poignante. D’autant plus que la protagoniste en était absente, hospitalisée au cours des répétitions. C’est donc par le film d’une de leurs dernières répétitions que l’on a pu découvrir que l’invitée du danseur étoile Benjamin Pech était Sylviane Milley, une octogénaire connue comme étant depuis son âge le plus tendre la plus assidue des habituées et «groupies» du Ballet, dont elle occupait chaque soir de représentation un strapontin au premier rang du parterre Palais Garnier. Benjamin Pech a donc montré, assis à l’avant scène, l’ébauche de ce qui aurait pu se terminer par le rêve de toute une vie et c’était poignant de voir ce magnifique danseur montrant à cette dame en son grand âge en la manipulant tel un précieux bibelot, comment évoluer avec grâce et prudence sur un plancher de studio. Le lendemain [20 février], Benjamin Pech, atteint par l’âge fatidique et réglementaire de la retraite (42 ans pour les hommes), au cours d’un programme sur mesure reprenant le corps de ce programme auquel se sont ajoutés quelques duos avec Eleonora Abbagnato et Dorothée Gilbert, a fait ses adieux officiels à la scène du Palais Garnier au cours d’une de ces soirées à bravos et paillettes dont le Ballet de l’Opéra de Paris a le secret.



La nuit s’achève (© Benoîte Fanton/Opéra national de Paris)


Avec La nuit s’achève, Millepied ajoutait sa cinquième création au répertoire du Ballet dont il est le directeur sortant. Bien que peu mémorable, cette belle réalisation sur le plan de la technique chorégraphique et moins influencée que d’habitude par ses maîtres Robbins et Balanchine, mettait en scène sur les trois mouvements de la Sonate «Appassionata» jouée assez placidement par Alain Planès, trois couples (mélange – de premiers danseurs et de jeunes du rang distingués par lui – assez emblématique de la méthode Millepied). Beaucoup de mouvements, courses, poursuites, étreintes dans le joli décor de Camille Dugas. Rien de bien mémorable et quand on sait qu’une des raisons alléguées par Millepied à son départ est que la somme de travail administratif l’empêchait de mener à bien son travail de chorégraphe, on ne peut s’empêcher d’éprouver du regret car les réformes amorcées pendant les quelques mois de son directorat et l’élan qu’elles ont entraîné et les directions de sa politique artistique risquent d’être vite enterrées avec le retour à la barre directoriale d’une personnalité de la maison même aussi charismatique et sympathique que peut l’être Aurélie Dupont.



Les Variations Goldberg (© Benoîte Fanton/Opéra national de Paris)


Le troisième volet du programme était à notre sens le plus formidable et typique de ce que peut être «l’excellence» du Ballet, sur laquelle Millepied avait émis des doutes dans des déclarations ayant mis le feu aux poudres et précipité l’annonce de sa démission. Soit l’entrée au répertoire d’une assez ancienne pièce de Jerome Robbins, Variations Goldberg (1971). Longue pièce, aussi longue que sa partition jouée ici avec quasiment toutes ses reprises, soit 80 minutes, associant les difficultés de la danse classique au style du postclassicisme, demandant un sérieux corps de ballet et de solides solistes, soit l’idéal pour cette compagnie aux dons protéiformes. La chorégraphie de Robbins peut paraître un peu datée si l’on s’attache à son esthétique post-balanchinienne pour les costumes mais pas pour la foison d’idées et la richesse de ses pas. La pianiste Simone Dinnerstein s’est montrée à la hauteur de la partition complexe de Bach. Eût-elle dépassé le simple niveau d’excellence comme le sont les immenses interprètes de cette œuvre, que les danseurs n’auraient peut être pas suivi car la chorégraphie montrait parfois ses limites au contact d’une telle somme musicale. C’est cependant un monument qui manquait au répertoire du Ballent, à l’égal de Dances at a Gathering et In the Night qui, avec quinze autres pièces, ornent le répertoire de la maison. Dans la distribution, on distinguait particulièrement les étoiles Dorothée Gilbert, Joshua Hoffalt, Mathieu Ganio, qui héritait du plus beau solo de la soirée, ainsi que Laure-Adelaïde Boucaud et Bruno Bouché, à qui était dévolu le fameux thème introductif et conclusif, mais encore une fois c’est l’excellence de l’ensemble qui frappait dans la réalisation de ce chef-d’œuvre.



Olivier Brunel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com