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Connaissez-vous Andrea Barca ? Baden-Baden Festspielhaus 01/29/2016 - et 23, 24 (Salzburg), 25 (Wien), 27 (Köln), 31 (Luxembourg) janvier 2016 Felix Mendelssohn-Bartholdy : Symphonie pour cordes n° 9 « La Suisse » – Concerto pour piano n° 2, opus 40
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 34, K. 338 – Concerto pour piano n° 20, K. 466 Cappella Andrea Barca, András Schiff (piano et direction) A. Schiff (© Joanna Bergin)
András Schiff a fondé en 1999 la Cappella Andrea Barca, ensemble de musiciens de chambre de haut niveau (dont par exemple le violoniste Erich Höbarth au poste de Konzertmeister, ou encore la Canadienne Louise Pellerin au hautbois...) qui l’accompagne régulièrement. Le pianiste autrichien d’origine hongroise décrit lui-même cet ensemble comme « fondé sur la sympathie et la compréhension mutuelles, autour d’idéaux communs : esthétiques, musicaux et humains ».
Mais qui est donc Andrea Barca ? Le programme de salle donne des explications que l’on ne résiste pas au plaisir de traduire. Donc : « Andrea Barca fut un mozartien de la première heure, originaire de Marignolle près de Florence. Témoin d’un concert privé donné par le tout jeune Wolfgang Amadeus, le 2 avril 1770, à la Villa Poggio Imperiale à Florence, il prit dès lors la résolution de dédier l’essentiel de sa vie à l’interprétation des œuvres pour piano de Mozart. Malheureusement, à Salzbourg, la presse locale lui rendit la tâche tellement difficile qu’il préféra retourner exercer ses talents de pianiste et de compositeur dans son pays natal. Son chef-d’œuvre, l’opéra La ribollita bruciata reste l’un des points culminants de l’histoire de la musique toscane ». Voilà pour Andrea Barca. A vous de chercher de plus amples informations sur la toile à propos de cet étrange individu, voire cette savoureuse Ribollita bruciata...
Retour donc à András Schiff (!), âme véritable de ce concert entre amis dont il a minutieusement conçu le programme. Une soirée dédiée à deux notoires adolescents prodiges et où tout à la fois il joue et dirige, debout sur le podium en première partie et assis devant un confortable piano Bösendörfer ensuite. On peut difficilement prétendre que la gestique du maestro soit orthodoxe, surtout quand il est debout. Ces attitudes bizarres, en tout cas imagées, semblent davantage destinées à susciter des affects musicaux variés qu’à tenter d’imposer davantage de précision à un discours qui reste davantage spontané que véritablement organisé. Les passages assurés par les cordes seules (l’Andante de la Trente-quatrième Symphonie de Mozart, et la Neuvième Symphonie pour cordes de Mendelssohn toute entière) en souffrent quelque peu, malgré la qualité individuelle des musiciens. Clairement l’objectif est ailleurs: un partage, une association d’humeurs primesautières, au service de musiques qui ne sont certainement pas parmi les plus géniales de leur compositeurs respectifs, mais qui retrouvent ainsi une proximité et une fraîcheur appréciables.
En seconde partie, le propos devient plus net, et à vrai dire, aussi, beaucoup plus professionnel de haut niveau. Majoritairement occupé par sa partie de soliste, ce qui ne l’empêche pas de quitter de temps en temps de son tabouret pour aller diriger ici ou là, András Schiff laisse fonctionner les réflexes de son ensemble de façon plus indépendante et finalement opportune, le piano suffisant à assurer au mieux une ossature rythmique à la fois souple et quand même précise. Inutile de souligner une fois de flux la maîtrise époustouflante du soliste, y compris dans les incessantes cavalcades du Second Concerto de Mendelssohn. Tout est en place et juste, y compris de multiples détails à peine perceptibles, pris dans un flux particulièrement rapide. Très belle suspension poétique aussi dans le bref Adagio.
Pièce de résistance, le grand Concerto en ré mineur K. 466 de Mozart est à la hauteur de nos espérances : des progressions nettes, une tension qui ne se relâche jamais, même quand certains phrasés très resserrés surprennent. Quant aux cadences, ce ne sont pas celles, devenues usuelles, de Beethoven, puisque le pianiste leur a préféré celles d’Andrea Barca (enfin non, plutôt András Schiff !) : ébouriffantes, vagabondes, très chargées en notes, avec même pour celle du troisième mouvement une insistante visite du Commandeur de Don Giovanni.
N’oublions pas le bis. Le premier mouvement du Concerto italien de Bach : le tempo est des plus rapides mais pas une articulation stratégique ne manque à l’appel. Formidable, cet art d’aller toujours à l’essentiel en musique, vraiment !
Laurent Barthel
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