About us / Contact

The Classical Music Network

Liège

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Episodes de la vie d’une femme

Liège
Opéra royal de Wallonie
01/24/2016 -  et 27, 30 janvier, 2, 5 février 2016
Ermanno Wolf-Ferrari: Il segreto di Susanna
Francis Poulenc: La Voix humaine

Anna Caterina Antonacci (Susanna, Elle), Vittorio Prato (Conte Gil), Bruno Danjoux (Le Serviteur)
Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Patrick Davin (direction)
Ludovic Lagarde (mise en scène), Antoine Vasseur (décors), Fanny Brouste (costumes), Sébastien Michaud (lumières), Lidwine Prolonge (vidéo)


Le Secret de Suzanne (© Opéra royal de Wallonie/Lorraine Wauters)


La saison de l’Opéra royal de Wallonie se poursuit avec une production créée en 2013 à l’Opéra-Comique et réunissant deux opéras en un acte jamais représentés auparavant dans ce théâtre. Pour beaucoup de spectateurs, Le Secret de Suzanne (1909) d’Ermanno Wolf-Ferrari (1876-1948) constitue probablement une agréable découverte, malgré un argument fort mince. En sentant l’odeur du tabac, un mari jaloux soupçonne sa femme de le tromper alors qu’elle fume seulement en cachette, avec l’innocente complicité du serviteur. Découvrant la vérité, il la pardonne et la rejoint pour partager son vice. Pochade dans l’esprit des pièces divertissantes intercalées, au dix-huitième siècle, entre les actes des opéras seria, cet intermezzo se caractérise par une orchestration très fine qui procure, à elle seule, bien du plaisir. Vive et agréable, s’inspirant des classiques italiens, comme Puccini, et même de Debussy, tout en restant personnelle, cette musique de bon aloi atteste d’un solide métier. Voilà, pour le coup, un compositeur négligé qui mérite un peu d’attention.


La mise en scène de Ludovic Lagarde trouve un point commun assez pertinent entre cet ouvrage et La Voix humaine (1959) de Poulenc, malgré, dans les deux cas, un langage théâtral très différent : cette femme abandonnée qui s’accroche à son téléphone pourrait bien être la même que celle qui fume en cachette. L’action se déroule d’ailleurs dans le même décor, un appartement moderne, aux murs blancs et sobrement décoré qui, dans la « tragédie lyrique » de Poulenc, tourne sur lui-même, comme pour mieux suggérer le désordre qui règne à cet instant dans l’esprit de cette femme. Dans ce décor cohérent et bien exploité, la direction d’acteur respecte le climat si dissemblable de ces deux opéras de durée équivalente, conférant, ainsi, avec beaucoup de finesse et de mesure, ce qu’il faut de vitalité et d’humour au premier, d’accablement et de tristesse au second. En contrepoint des sentiments de l’héroïne de Poulenc, il convient de noter l’utilisation discrète de la vidéo, empruntée à Man Ray.



La Voix humaine (© Opéra royal de Wallonie/Lorraine Wauters)


A l’exception de l’orchestre et du chef, la distribution est identique à celle de Paris. Anna Caterina Antonacci, qui se produit, à cette occasion, pour la première fois sur la scène liégeoise, évolue aussi naturellement dans le vaudeville que dans la tragédie. Le duo qu’elle forme avec Vittorio Prato ne souffre d’aucun déséquilibre, malgré le physique attrayant et la présence irradiante de la soprano. Le baryton se montre crédible et à la hauteur, chantant de manière très convenable sans atteindre tout à fait le degré de finition de sa partenaire, à la voix séduisante et au chant impeccable. Elle se profile sans surprise en grande tragédienne dans l’opéra de Poulenc, incarnant cette femme avec profondeur et dignité tout en veillant à la prononciation, remarquable, même avec un léger accent. Preuve de sa crédibilité et de sa justesse, Anna Caterina Antonacci ne suscite aucunement le désir de réécouter, de retour chez soi, la mémorable interprétation de Denise Duval, décédée ce 25 janvier – indépassable dans ce rôle, et pour longtemps encore.


A la tête d’un orchestre discipliné mais aux cordes trop émaciées, Patrick Davin trouve à chaque fois le ton juste. Dans Le Secret de Suzanne, sa direction rigoureuse et enlevée met en valeur les belles interventions des bois, les cordes veillant, quant à elles, à la netteté de l’articulation, ce qui profite à l’orchestration élaborée de Wolf-Ferrari. Et dans La Voix humaine, ce chef à la compétence reconnue, et pas uniquement dans le répertoire français, développe un sens dramatique très sûr et soutient la chanteuse avec éloquence, servant au mieux la musique si sensible de Poulenc.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com