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Immense savoir-faire Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 01/22/2016 - et 20, 21 (Amsterdam), 23 (Heerlen) janvier 2016 Richard Wagner: Tristan und Isolde: Vorspiel und Liebestod
Ingvar Lidholm: Poesis
Antonín Dvorák: Symphonie n° 9 «Z nového sveta», opus 95, B. 178 Koninklijk Concertgebouworkest, Herbert Blomstedt (direction)
H. Blomstedt (© Martin U. K. Lengemann)
Pour assister au concert d’ouverture officiel de la Présidence néerlandaise du Conseil de l’Union européenne, les spectateurs doivent d’abord faire preuve de patience, le contrôle de sécurité provoquant un engorgement à l’entrée du Palais des Beaux-Arts. Dans la salle, ils comprennent enfin la raison de la présence d’autant de photographes et de caméramans ainsi que du déploiement de forces policières dans la rue Ravenstein : les couples royaux de Belgique et des Pays-Bas assistent, eux-aussi, à ce concert de l’Orchestre royal du Concertgebouw, en résidence au Bozar cette saison. De ce fait, le concert débute évidemment en retard, et il faut d’abord entendre les prises de paroles du président de l’orchestre et de Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre belge des affaires étrangères, avant qu’apparaisse enfin le chef, Herbert Blomstedt, l’orchestre n’ayant pas eu besoin de lui pour exécuter l’Hymne à la joie.
Comme il s’agit d’un événement majeur, le concert a fait l’objet d’un soin particulier, la présence de fleurs sur la scène demeurant exceptionnelle, mais le programme comporte tout de même une grossière coquille : Wagner aurait ainsi composé Tristan et Isolde en 1959. Le Prélude et la «Mort d’Isolde» extraits de cet opéra créé bien plus tôt, en 1865, permettent de retrouver ces cordes unies et soyeuses et ces bois formidables de justesse et d’expressivité. Sans étirer les tempi, le chef en livre une interprétation retenue, évocatrice et à la respiration naturelle, le lyrisme intense résultant d’une qualité supérieure du phrasé.
Impliquant un piano, Poesis (1963) d’Ingvar Lidholm (né en 1921) nécessite par conséquent un assez long aménagement du plateau. Le chef profite de l’occasion pour présenter avec verve et humour cette belle et captivante partition pour très grand orchestre, complexe mais accessible, aux sections contrastées et aux surprenants jeux de timbres, magnifiés par cette phalange d’exception. L’œuvre se termine sur une seule note tenue une minute en alternance par les différents instruments, ce qui rappelle la musique de Scelsi. Le public n’aurait probablement pas accueilli aussi favorablement cette étonnante composition si Blomstedt l’avait exécutée sans avoir pris la peine de l’introduire avec autant de conviction et d’esprit.
Retour au très grand répertoire en seconde partie, avec la Symphonie «Du nouveau monde» (1893) de Dvorák. Le public, qui ne se retient pas de tousser entre les mouvements, a eu droit à une interprétation conforme aux attentes : de grande envergure, cohérente et détaillée, habitée du début à la fin, elle s’avère toujours juste et évidente, parfaitement équilibrée, claire, également, ce qui révèle des détails oubliés. Sous la direction probe et d’une belle hauteur de vue de ce grand chef, l’orchestre démontre sans ostentation son immense savoir-faire. Les cordes se montrent parfaitement homogènes et articulées, les bois maintiennent leur plus haut niveau, les cuivres, majestueux, tonnent avec puissance et netteté tandis que les interventions de Marinus Komst aux timbales constituent un plaisir à chaque fois renouvelé. Les musiciens, salués par une ovation debout, se retirent après une Danse slave opus 46 n° 8 ciselée et entraînante mais ni trop nerveuse, ni trop précipitée. La patience des spectateurs à l’entrée se voit ainsi largement récompensée par cette prestation de haut vol.
L’orchestre revient au Palais des Beaux-Arts le 6 février, sous la direction, cette fois, de Semyon Bychkov et dans un splendide programme : Cinquième Concerto pour piano de Beethoven, avec Jean-Yves Thibaudet, et Une vie de héros de Strauss.
Le site de l’Orchestre royal du Concertgebouw
Sébastien Foucart
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