About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Jakub Hrůsa au sommet franco-tchèque

Paris
Maison de la radio
01/08/2016 -  
Bohuslav Martinů : Double concerto pour deux orchestres à cordes, piano et timbales, H. 271 – Vrava, H. 155
Albert Roussel : Bacchus et Ariane (Suite n° 2), opus 43 – Symphonie n °3, opus 42

Orchestre philharmonique de Radio France, Jakub Hrůsa (direction)


J. Hrůsa


De Roussel, Martinů a sans doute appris la motorique, le goût des formes classiques, le culte de la clarté. En les réunissant pour son concert à la tête du Philhar’, Jakub Hrůsa a rappelé la force d’un lien – et fait entendre deux compositeurs scandaleusement absents, la plupart du temps, des programmes parisiens. Le lien, d’ailleurs, va au-delà de leur relation : si les Tchèques ont aimé et joué la musique française, les interprètes français leur ont rendu la pareille, comme en témoignait, à une époque, le catalogue Supraphon. Quant à Roussel, sa Deuxième Symphonie était donnée à Prague dès 1924, au festival de la Société internationale de musique contemporaine, où l’on joua également Pacific 231 d’Honegger... et où Zemlinsky dirigea la première non française de L’Heure espagnole de Ravel.


Le Double concerto pour deux orchestres à cordes, piano et timbales de Martinů rappelle par endroits la Sinfonietta de Roussel, plus que la Musique pour cordes de Bartók – autre commande du mécène suisse Paul Sacher, qui le précède de deux ans. Mais elle est beaucoup plus dramatique, beaucoup plus sombre que la partition de son maître, écho sans doute des soubresauts de l’histoire – Martinů mit un point final à sa partition le jour des accords de Munich. Jakub Hrůsa y déploie toutes les qualités qu’avaient révélées son concert à Pleyel en 2010, son Stabat mater de Dvorák à Saint-Denis ou sa Rusalka à Bastille au printemps dernier. La précision de la mise en place, avec des cordes dont il obtient une belle homogénéité, l’âpreté des rythmes dans les mouvements extrêmes, l’émotion poignante du Largo central aussi, le souffle puissant mais toujours maîtrisé qu’il fait passer à travers une partition dont il exalte les tensions, tout cela dénote une direction à la fois sûre et inspirée.


La Seconde Suite de Bacchus et Ariane ne suscitait donc aucune crainte – on ne pouvait s’empêcher à la Première gravée par Karel Ancerl. Le jeune chef tchèque, en effet, peut prétendre à la succession de ses glorieux aînés. Rien de compact dans la masse sonore, où l’air passe toujours. Rien de criard dans l’éclat des couleurs. Très narrative, la direction préserve aussi la trame narrative de la musique, avec des parties parfaitement enchaînées : un chef d’opéra ne peut se contenter ici de diriger une simple suite d’orchestre. Mais il ne se laisse jamais emporter, tenant ses tempos, ne perdant jamais la trajectoire, jusqu’à la Bacchanale finale, qu’il ne débraille pas. Dommage que l’acoustique de l’Auditorium, toujours trop sonore quand jouent de grands effectifs, resserre l’éventail dynamique.


L’Allegro pour grand orchestre qu’est La Bagarre de Martinů – « en souvenir de Lindbergh, au Bourget » – relève surtout de la pièce de concert virtuose, où Jakub Hrůsa fait briller un Philhar’ des grands soirs. Un hors-d’œuvre épicé, surtout, avant la Troisième Symphonie de Roussel, non moins épicée mais de tout autres dimensions. La grandeur, la puissance s’associent à une fluidité de la pâte et une transparence des lignes. La direction combine surtout la maîtrise de la forme – essentielle pour Roussel, un « Brahms français » pour Lutoslawski – et une souplesse rythmique que la danse pourrait s’annexer : la Symphonie, de ce point de vue, semble prolonger Bacchus et Ariane. Si le Scherzo est espiègle, avec presque un côté canaille à la Poulenc, comme la partie médiane de l’Adagio, l’Allegro vivo et l’Allegro con spirito prennent parfois des airs de bacchanale. On est loin, heureusement, de lectures presque raides à force d’être carrées. Magnifique Philhar’, violon solo de rêve d’Amaury Coeytaux.


Le concert, comme celui de la veille, a été précédé d’un hommage à Pierre Boulez, illustré par Nicolas Baldeyrou jouant Domaines – dont il a gravé une très belle version chez Intrada.


Ne manquez pas, vendredi prochain, le prochain concert : Jakub Hrůsa et le Philhar’ donneront, encadrés par le Scherzo fantastique de Suk et celui de Stravinsky, le Premier Concerto pour violoncelle (avec Johannes Moser) et la Sixième Symphonie de Martinů.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com