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Festin rossinien Montpellier Corum (Opéra Berlioz) 12/02/2015 - Gioachino Rossini : Tancredi: Ouverture, «Oh patria... Di tanti palpiti» & «Fiero incontro!... Lasciami : non t’ascolto» – Guillaume Tell: Ouverture – Semiramide: «In si barbara sciagura» – La Cenerentola: Ouverture – La gazza ladra: «Ebben, per mia memoria» – L’italiana in Algeri: Ouverture & «Amici... Pensa alla patria» Marie-Nicole Lemieux (contralto), Patrizia Ciofi (soprano)
Chœur de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon, Noëlle Gény (chef de chœur), Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Enrique Mazzola (direction)
Il n’est pas besoin d’attendre les années pour affirmer ses fidélités: dès la première saison qu’elle signe à la tête de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon, Valérie Chevalier réserve à Marie-Nicole Lemieux une tribune pour son prochain enregistrement consacré à Rossini, en public, qui paraîtra l’an prochain chez Warner – on se souvient de la pétulante Italienne à Alger incarnée par la contralto québécoise à Nancy en février 2012, que la directrice de la maison languedocienne avait programmée aux côtés de Laurent Spielmann dans l’institution lorraine. Les deux soirées placées sous le signe du «Cygne de Pesaro» offrent ainsi un panorama de la virtuosité expressive de la soliste canadienne, tout autant qu’un résumé apéritif de ses potentialités scéniques dans un répertoire où les salles d’opéra gagneraient à la mettre – bien – davantage à l’affiche.
Plutôt que l’écrin de l’Opéra Comédie, qu’une production lyrique aurait sans doute choisi, c’est avec l’appui de la technique du Corum que sera gravé le disque, au fil des deux concerts où sont répartis les pages vocales, assaisonnées de quelques ouvertures pour se glisser dans le format consacré. Le premier des deux, le 2 décembre, qui réserve des duos avec Patrizia Ciofi, donne d’emblée le ton avec deux extraits de Tancredi. A la tête de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Enrique Mazzola allège les textures, avec des cordes dégraissées, pour faire ressortir les pupitres, autant sans doute que tirer parti d’une acoustique plus réverbérée que d’autres théâtres. Cela imprime une dynamique sensible dans l’Ouverture, et avec laquelle Marie-Nicole Lemieux joue dans le fameux «Di tanti palpiti». La chair vocale, qui s’est enrichie au fil des années, sans perdre pour autant de sa lumière, nourrit une souplesse dans l’émission comme dans la ligne, qui ne sacrifie jamais aux accentuations de contrastes dans lesquelles s’abîme plus d’une belcantiste. La vigueur de la péroraison finale pourra se faire plus serrée, mais l’éclat n’a pas de leçon à recevoir. Aux côtés de Patrizia Ciofi, le duo «Lasciami: non t’ascolto» reflète une belle complémentarité, où l’instinct musical d’Aménaïde ne le cède en rien à celui de son chevalier travesti, d’un héroïsme jamais caricaturé.
L’Ouverture de Guillaume Tell réaffirme la nervosité de la direction orchestrale, jusque dans une chevauchée enlevée qui n’a nul besoin d’alourdir son fracas. «In si barbara sciagura» de Semiramide signale la complicité efficace des chœurs, préparés par Noëlle Gény, et confirme une agilité sans reproche de la soliste, comme la vélocité de vocalises qui ne cherchent pas à porter ombrage à la fluidité du chant. Le résultat se révèle d’une gourmandise à l’écoute d’une instrumentation sapide. Après avoir goûté l’Ouverture de La Cerenentola dans ce registre, l’oreille se réjouit de La Pie voleuse et «Ebben, per mia memoria», où les deux gosiers s’émulent plus qu’ils ne rivalisent pour étourdir le spectateur par de frémissants entrelacs de notes et d’émotion. Il ne reste plus à la québécoise de retrouver Isabella et L’Italienne à Alger, dont, après l’Ouverture, on reconnaît le fringant «Pensa alla patria». Nul doute, le souvenir des planches n’a pas quitté l’interprète, excédant peut-être les attentes de l’enregistrement. Elle en oublierait d’ailleurs presque les contraintes dans les bis: l’inénarrable Duo des chats précède le «Cruda sorte» de L’Italienne, inscrit au programme du second concert, le 5 décembre, avant la coquetterie sans retenue de Rosine: le plaisir du public avant tout, dont la gravure témoignera.
Gilles Charlassier
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