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La Damnation d’Alvis

Paris
Opéra Bastille
12/08/2015 -  et 11*, 13, 15, 17, 20, 23, 27, 29 décembre 2015
Hector Berlioz : La Damnation de Faust, opus 24
Sophie Koch (Marguerite), Jonas Kaufmann*/Bryan Hymel (Faust), Bryn Terfel (Méphistophélès), Edwin Crossley-Mercer (Brander), Sophie Claisse (Voix céleste), Dominique Mercy (rôle muet et dansé)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction musicale)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Alvis Hermanis (mise en scène, décors), Christine Neumeister (costumes), Gleb Filshtinsky (lumières), Katrina Neiburga (vidéo), Alla Sigalova (chorégraphie), Christian Longchamp (dramaturgie)


D. Mercy, J. Kaufmann, S. Koch
(© Felipe Sanguinetti/Opéra national de Paris)



Norma aux Champs-Elysées, La Damnation de Faust à Bastille : rude semaine pour le lyrique. Certes, comparaison n’est pas raison, mais Stéphane Lissner, pour sa troisième production, n’a pas eu la main heureuse. Attendait-on trop d’Alvis Hermanis, une des icônes de la modernité d’aujourd’hui ? A Salzbourg, ses Soldats étaient formidables, son Gawain mené de main de maître... son Trouvère plus contestable.


Sa Damnation est un retentissant ratage. L’identification de la quête faustienne aux théories de Stephen Hawking, joué par un danseur de la troupe de Pina Bausch, omniprésent sur la scène en chaise roulante, pourrait à la rigueur se discuter pour le Second Faust, mais Berlioz s’en tient au Premier, où elle est totalement inopérante... Bref, le vieux savant se mue en candidat à l’opération Mars One : le physicien anglais a imaginé qu’il fallait coloniser la planète vierge pour éviter l’apocalypse sur la terre. Mais cela ne fonctionne pas, le metteur en scène s’est trompé de sujet. Les scientifiques en blouse blanche, les corps humains enfermés dans des vitrines de verre tels des cobayes, les engins spatiaux, les photos de Mars, tout cela nous parle sans doute du début et de la fin du monde, mais pas de Faust. Comme les vidéos avec champs de coquelicots, éruption de volcan, souris blanches, accouplements d’escargots venus de Microcosmos : Le Peuple de l’herbe et spermatozoïdes affairés. Et on a déjà donné, ici ou là.


Il y a à la fois de quoi rire et pleurer, Philippe Jordan doit même se retourner pour calmer quelques esprits échauffés. On s’ennuie surtout beaucoup et quand la Course à l’abîme devient un vol de la fusée Ariane, on se réjouit d’arriver au terme de cette prétentieuse parabole eschatologique sur le viol et la régénération de la nature. Hawking, lui, semble retrouver l’usage de ses jambes... Mais le mal, à vrai dire, vient de plus loin : tout ce fatras d’accessoires n’est que le cache-misère de l’absence totale de direction d’acteurs. Péché mortel dans le cas d’une « légende dramatique » pas originellement destinée à la représentation ! Faust et Marguerite paraissent étrangers à leur propre histoire, le chœur est planté sur le plateau. Ce n’est pas la Damnation de Faust, c’est celle d’Alvis Hermanis.


Musicalement, on se rembourse, du moins en partie. Jonas Kaufmann s’impose aussitôt, malgré un blanchiment obstiné de la voix dans les nuances, en Faust romantique allemand plein de Sehnsucht, exemplaire par l’articulation et le phrasé, superbe dans l’Invocation à la nature où l’émission sombrée fait merveille – plus que dans le Duo, par exemple. Cela dit, on le préférait lorsqu’il incarnait à la Monnaie et à Genève, en 2002 et 2003, un Faust plus juvénile et plus spontané. La splendeur cuivrée de la voix de Sophie Koch convient mieux à « D’amour d’ardente flamme », magnifique, qu’à la Chanson gothique, trop épaisse – mais on regrette partout, une fois de plus, l’empâtement de l’articulation. Bryn Terfel ? Si son Méphisto plein de morgue insolente brûle les planches, s’il sait chanter l’air des Roses pianissimo, il n’a pas capté, à la différence de Kaufmann, le secret du style français, avec notamment une tendance excessive à la nasalisation.


Philippe Jordan, certes d’une remarquable clarté, souligne d’abord les audaces de Berlioz en matière de timbres, quitte à déséquilibrer les plans sonores et à trop cuivrer son orchestre, ce qui le fait sonner très « moderne » – voire, ici ou là, annoncer Mahler – et bouscule parfois un peu nos habitudes. Mais cette direction ne convainc pas toujours, oscillant trop entre une approche symphonique et une approche plus opératique : la « légende dramatique », du coup, paraît encore plus hybride.



Didier van Moere

 

 

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