About us / Contact

The Classical Music Network

Monaco

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Tant qu’il y aura des hommes...

Monaco
Monte-Carlo (Grimaldi Forum)
11/16/2015 -  et 19, 22* novembre 2015
Giacomo Puccini : Tosca
Martina Serafin (Floria Tosca), Marcelo Alvarez (Mario Cavaradossi), Bryn Terfel (Scarpia), Fabio Previati (un sacristain), Alessandro Guerzoni (Angelotti), Rodolphe Briand (Spoletta), Aldo Heo (Sciarrone)
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, Chorale de l’Académie de musique Rainier III, Stefano Visconti (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Carlo Montanaro (direction musicale)
Jean-Louis Grinda (mise en scène), Isabelle Partiot-Pieri (Décors), Christian Gasc (costumes), Roberto Venturi (lumières)


B. Terfel (© Alain Hanel)


C’est peu dire que cette nouvelle Tosca monégasque fut vampirisée par le formidable Scarpia de Bryn Terfel. Le baryton-basse gallois y fit preuve d’une projection insolente et d’un sadisme terrifiant. Bref, un formidable chanteur-acteur, véritable carnassier, osant et réussissant tout, grâce à une beauté de timbre, une maîtrise de la ligne comme de la mezza voce et une variété de couleurs assez sidérantes. Face à lui, Marcelo Alvarez proposa un Cavaradossi plus viril qu’à l’accoutumée avec un métal et une vaillance qui sont d’habitude l’apanage des ténors spinto. Rien d’étonnant à cela quand on sait que sa voix a gagné en projection en lui permettant d’aborder avec succès Radamès et Canio. Heureusement, le ténor argentin, fort d’une belle souplesse de l’émission, a su aussi émouvoir dans les passages les plus élégiaques grâce à de beaux pianissimi en voix mixte afin de ne pas présenter une image trop univoque de son personnage.


Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes sans la Floria Tosca très décevante de Martina Serafin, aux registres peu soudés et offrant deux voix pour le prix d’une. On a, certes, des couleurs encore assez rondes et agréables dans le bas du spectre avec une émission assez couverte. Mais à partir du haut médium, rien ne va plus: la voix devient terriblement stridente pour se transformer en cri, à la justesse approximative, dans l’aigu. Et dans le deuxième acte de Tosca, cela ne pardonne pas! A trop chanter des rôles disparates allant du soprano lyrique (Elvira) aux emplois dramatiques (Turandot) en passant par la tessiture de falcon (Elisabeth de Valois), force est d’admettre que cette belle artiste a trop poussé sa voix dans ses derniers retranchements et s’est prématurément brulé les ailes.


Il est vrai qu’elle ne fut pas aidée par la battue de Carlo Montanaro qui nous a chanté «Bonne nuit les petits» pendant deux heures, oubliant par là même que l’orchestre de Puccini est un personnage à part entière qui doit imprimer sa tension au drame. C’est d’autant plus dommage que les musiciens du Philharmonique de Monte-Carlo méritent bien mieux et sont capables de rugir lorsqu’ils sont dirigés par une baguette moins somnolente. Il suffit de se souvenir de leur fantastique suite de Roméo et Juliette, donnée il y a deux ans sous la baguette de Vasily Petrenko, pour s’en convaincre.


Fort heureusement, la mise en scène, sobre et fidèle au livret, de Jean-Louis Grinda fut autrement inspirée. Belle idée que cette carte translucide de Rome au fond des appartements de Scarpia afin de visualiser Tosca chantant sa cantate en arrière-plan et de redonner au duettino entre le ténor et le baryton ses allures de trio avec chœur voulu par Puccini. Et quelle juste économie de moyen dans la transformation du vaste bureau du chef de la police en tombeau ouvert dans lequel dut s’engouffrer Cavaradossi pour y subir son interrogatoire! Sans parler de la chute de l’opéra, toujours problématique à représenter, et qui fut habilement négociée par la projection d’une vidéo de la soprano se jetant dans le vide. De surcroît, cette impression de huis clos oppressant fut renforcée par les décors aux couleurs sombres d’Isabelle Partiot-Pieri représentant, au fil de l’action, tantôt une madone, tantôt le saint Michel du château Saint-Ange, enchâssés dans des panneaux latéraux et modulables, aux couleurs gris anthracite, aussi menaçants que les portes d’une prison et magnifiés par les clairs-obscurs conçus par Roberto Venturi.


Finalement cette représentation laissera le spectateur partagé. Remake raté du film Y a-t-il un pilote dans l’avion? en raison des défaillances du chef ou adaptation réussie de Tant qu’il y aura des hommes grâce à un casting masculin de haut vol? Chacun, selon sa sensibilité, préférera voir, ici, le verre à moitié vide ou à moitié plein.



Eric Forveille

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com