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Made in U.K. Paris Opéra Bastille 04/02/2001 - et 5, 8, 12, 14, 17, 21, 24 avril 2001 Benjamin Britten : Peter Grimes Ben Heppner (Peter Grimes), Susan Chilcott (Ellen Orford), Alan Opie (Captain Balstrode), Stephanie Blythe (Auntie), Marie Devellereau (Niece 1), Lielle Berman (Niece 2), Ian Caley (Bob Boles), Stephen Richardson (Swallow), Della Jones (Mrs Sedley), Neil Jenkins (Rev. Horace Adams), Jason Howard (Ned Keene), Lynton Black (Hobson), Christian Berry (A Lawyer), Ghislaine Roux (A Fisherwoman), Jules Vô-Dinh (John) Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris, James Conlon (direction) Graham Vick (mise en scène)
Devant le succès extraordinaire de Peter Grimes, peut-on se permettre de dire que l’on ressent à chaque fois un certain malaise face au nœud de son intrigue ? Car même si Peter Grimes est opprimé et rejeté par son village, on n’est pas obligé d’accepter sa violence sur son apprenti, un enfant, c’est à dire «l’innocence radicale» selon le beau et juste mot du dramaturge anglais Edward Bond. Wozzeck, à qui on le compare souvent, tue Marie, mais c’est une histoire entre adultes. Porter la main sur un enfant est d’une nature toute différente. Les arguties sur la misère ou l’homosexualité refoulée de Peter Grimes – dont nous abreuve le programme – n’y changeront rien. Mais la musique, la caractérisation de cette petite communauté aux haines rentrées, l’imposant rôle titre suffisent à faire de Peter Grimes une des grandes réussites du répertoire lyrique.
Incarner Peter Grimes exige beaucoup et avec Ben Heppner on tient l’un des grands titulaires du rôle actuellement : sa présence scénique et son endurance impressionnent. Son monologue dans le dernier acte, seul face au public, fige l’assistance (les gens arrêtent de tousser, un signe !). Tout juste pourrait-on lui reprocher des aigus un peu engorgés. Susan Chilcott campe une institutrice touchante, même si sa voix de soprano manque d’une once de fragilité. Stephanie Blythe déploie avec assurance son très beau timbre de mezzo tandis que les nièces se révèlent excellentes (on attend avec impatience de voir Marie Devellereau dans de plus grands rôles). Le sombre Hobson du baryton-basse Lynton Black et le Swallow de la basse Stephen Richardson se distinguent aux côtés de chanteurs plus confirmés comme Ian Caley ou Neil Jenkins. La distribution anglophone, de haut niveau et très homogène, n’appelle que des éloges.
Jetant par dessus bord l’imagerie traditionnelle du petit port traditionnel, Graham Vick et son décorateur Paul Brown situent l’action à notre époque dans un port anglais industrialisé : le camion frigorifique, le panneau publicitaire, la Volkswagen Golf, la caravane (la demeure du héros) font alors leur entrée sur la scène de l’Opéra Bastille. L’idée n’est pas mauvaise, le désenchantement par rapport au cadre bucolique plus habituel, la pauvreté des objets sur scène jettent sous une lumière crue des personnages dont l’absurdité, la cupidité et le vice ressortent avec plus vérité. Mais jouer avec la froideur et le désenchantement sur une scène est très risqué et la lourdeur du dispositif (la scène paraît souvent encombrée), sa complaisance appuyée (les scène de fornication lorsque la foule appelle Peter Grimes dans l’acte III) et ses incohérences (pourquoi cet arbre mort très «vieil opéra», le camion frigorifique transformé en «boite») nuisent à la continuité et à la tension dramatique. La table à repasser, symbole de la femme brimée au foyer, acquière, certainement pour la première fois, un statut symbolique : utilisée par les femmes sur le port, mimant les vagues, jetée négligemment sur un coin de la scène. Avis aux amateurs…
des photos sur ConcertoNet.TV Philippe Herlin
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