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Triomphe pour Leo Nucci

Marseille
Opéra
11/15/2015 -  et 18 novembre 2015
Giuseppe Verdi : I due Foscari
Sofia Soloviy (Lucrezia Contarini), Sandrine Eyglier (Pisana), Leo Nucci (Francesco Foscari), Giuseppe Gipali (Jacopo Foscari), Wojtek Smilek (Jacopo Loredano), Marc Larcher (Barbarigo, Fante, serviteur)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Emmanuel Trenque (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Paolo Arrivabeni (direction musicale)


Sans intention de redondance, il est impossible de ne pas commencer notre chronique par les effroyables attentats parisiens qui ont endeuillé la France au cours de la soirée de vendredi. Si le ministère de la culture a demandé la suspension de la programmation des institutions culturelles publiques en Ile-de-France, et recommandé aux opérateurs privés de faire de même, où, à défaut, de prendre les mesures de sécurités nécessaires, il a été laissé aux préfectures en province la latitude de maintenir ou non les manifestations. Ainsi, si l’Opéra de Lyon a procédé à l’annulation de toutes les représentations restantes de L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau de Nyman au Théâtre de la Croix-Rousse, de concert avec celle de sa tournée au Théâtre des Champs Elysées, Marseille a privilégié le parti de résistance à celui du deuil – l’un et l’autre étant également respectables et compréhensibles. La déléguée à la culture de la mairie a pris la parole au début de cette matinée de première pour rendre hommage aux victimes, avant une minute de silence.


Rare sur les scènes, de France ou d’ailleurs, et d’ailleurs jamais donné auparavant dans la cité phocéenne, I due Foscari de Verdi offre un remarquable exemple de la maturation du style du compositeur, où le souvenir du bel canto rossinien – le premier air de Lucrezia évoque la prière de Pamira dans Le Siège de Corinthe – et les tournures de Nabucco voisinent avec une vigueur qui parfois annonce Le Trouvère. Quant à l’intrigue, elle siège dans la Venise que l’on retrouvera avec Otello, tandis que le climat de conspiration esquisse celui de Simon Boccanegra. On pourra certes regretter que l’ouvrage se contente de deux concerts, même si cette économie autorise une prise de risque compensée par une affiche prestigieuse, à laquelle le public local aurait pu répondre de manière plus gourmande, tant il semble douteux que le clairsemé de la salle soit uniquement imputable à l’actualité.


Les spectateurs présents ne manquent pas de manifester leur enthousiasme légitime face à une partition non avare en morceaux de bravoure et une distribution vocale où domine l’aura de Leo Nucci en Francesco Foscari. Son ultime air, résumant un sursaut de fierté dans sa paternité blessée, sera bissé. La présence du baryton italien, qui semble défier les ans, l’explique aisément. Si l’effort se révèle parfois audible, l’agilité et la justesse ne cèdent jamais. La puissance n’abdique pas de la tendresse quand le souverain se livre face à sa famille: «le masque du doge et le cœur du père» s’affirment sans se faire de l’ombre l’un l’autre, autorisant la plénitude de l’incarnation.


Le second Foscari, Jacopo, revient à un Giuseppe Gipali vibrant d’une vulnérabilité qui n’entame guère l’intégrité de la ligne. Sofia Soloviy recueille des applaudissements nourris pour sa sortie vindicative où s’épanouit une intensité dramatique obérée souvent sans relâche au fil de la représentation par un aigu excessivement contraint. Les rôles secondaires remplissent leur office, à l’image du noir Jacopo Loredano de Wojtek Smilek, constant dans l’autorité sinon la cruauté. Sandrine Eyglier possède la couleur requise pour Pisana, tandis que Marc Larcher assume sans faillir les apparitions de Barbarigo, Fanto et du serviteur. Préparé par Emmanuel Trenque, le Chœur de l’Opéra de Marseille ne démérite aucunement, quand l’orchestre, placé sous la baguette avertie de Paolo Arrivabeni, exsude les saveurs d’une écriture dramatique accomplie, scandée par des motifs reconnaissables, telle la mélancolique clarinette que l’on croirait empruntée à Berlioz. Le directeur musical de l’Opéra de Liège rend justice à une Italie plus cosmopolite que la rumeur laissée à la postérité, sans pour autant perdre son identité idiomatique.



Gilles Charlassier

 

 

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