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Apocalypse de la danse

Paris
Philharmonie 1
11/06/2015 -  et 7* novembre 2015
6 novembre 2015 – et 13 (Wien), 20 (New York) novembre 2015
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 4 en si bémol majeur, opus 60, et n° 7 en la majeur, opus 92

7 novembre 2015 – et 14 (Wien), 21 (New York) novembre 2015
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 9 en ré mineur, opus 125
Annette Dasch (soprano), Eva Vogel (mezzo-soprano), Christian Elsner (ténor), Dimitry Ivashchenko (basse)
Rundfunkchor Berlin, Simon Halsey (chef de chœur), Berliner Philharmoniker, Simon Rattle (direction)


D. Ivaschchenko (© Andreas Stirnberg)


Ce n’est pas le Beethoven de tout le monde. Encore moins celui de la tradition. Simon Rattle fait partie de ces chefs qui viennent d’ailleurs et ont notamment beaucoup œuvré pour la musique du vingtième siècle. La Philharmonie de Berlin, elle aussi, a changé, par le renouvellement naturel des générations. Quand la carrière de Rattle prend son essor, Herbert von Karajan – presque cinquante ans de plus – n’a plus guère que dix ans à vivre. Autant dire qu’il n’était pas conseillé d’avoir écouté une des intégrales berlinoises de l’aîné – qui d’ailleurs ne sont pas interchangeables – avant d’aller entendre le cadet, du moins dans les deux derniers concert de l’intégrale des Symphonies donnée à la Philharmonie de Paris (voir par ailleurs ici, ici et ici).


La Quatrième Symphonie, jouée par un effectif allégé, frappe d’abord par la conduite très sûre du discours, une sorte de fougue impatiente, que l’Adagio émousse à peine, avec un côté Sturm und Drang. Le chef ne cherche pas à arrondir la sonorité, plutôt à lui donner de l’air, sans l’assécher: l’œuvre, ainsi, conserve une fraîcheur là où certains en font le chaînon reliant l’Héroïque à la Cinquième. Mais l’interprétation se signale surtout par la verticalité de l’approche, en rupture totale avec une tradition beaucoup plus axée sur la polyphonie, ce qui jette une lumière nouvelle sur l’harmonie.


La Septième Symphonie porte tout cela à la puissance dix – parce que aussi les Berlinois sont un orchestre fabuleux, d’une virtuosité inouïe. Le Poco sostenuto, d’ailleurs, ne crée pas d’attente, on y pressent déjà l’énergie brute qui va exploser dans un Vivace dionysiaque, où la direction privilégie toujours l’agrégat plutôt que la ligne tout en restant d’une parfaite clarté, avec des successions de blocs sonores anticipant presque sur le Sacre du printemps : rarement, du coup, Beethoven aura sonné aussi « moderne ». On vous l’a dit, ce n’est décidément pas celui de tout le monde. L’Allegretto s’enchaîne aussitôt, sorte de danse lente, très économe dans l’émotion, comme si le mouvement se structurait d’abord par le rythme. L’Allegro con brio final, plus encore que cette « apothéose de la danse » célébrée par Wagner, devient une bacchanale hallucinée, le train d’enfer adopté exigeant de l’orchestre de véritables prodiges, où les blocs sonores, encore une fois, s’entrechoquent dans une danse sacrale dont on se demande si elle est vraiment jubilatoire, comme si l’apothéose se muait en apocalypse. Fascinant.


La Neuvième Symphonie ne peut provoquer une telle ébriété giratoire. Elle est d’ailleurs moins radicale dans l’approche – peut-être résiste-t-elle davantage, aussi. On observe même pendant le Finale, qu’on attendait plus volcanique, des baisses de régime, avec une coda presque sage – remarquable chœur, alors que seuls Annette Dasch et Dimitry Ivaschchenko parviennent à projeter leurs voix. Il est vrai que Sir Simon ne fait pas de cet Opus 125 une épopée de l’humanité en marche vers la lumière, ne joue pas comme d’autres sur les tensions dialectiques des développements beethovéniens. Si elle refuse le titanisme, l’interprétation n’en est pas moins mue par une irrésistible poussée qui porte sans cesse la musique en avant, avec un grand art des enchaînements – ce qu’on n’observe pas toujours chez le directeur des Berlinois. Très dramatique, l’Allegro paraît plein d’obscures clartés, le Molto vivace ressemble à un Scherzo fantastique, l’Adagio, d’une transparence chambriste, paraît grâce à la maîtrise du temps musical une variation continue, où le chef évite toute surenchère dans l’effusion. Mais c’est la Septième qui reste dans les mémoires.



Didier van Moere

 

 

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