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Lacascade chute dans La Vestale Bruxelles Cirque royal 10/13/2015 - et 15, 17, 20, 22, 25* octobre 2015 Gaspare Spontini: La Vestale Yann Beuron (Licinius), Julien Dran (Cinna), Jean Teitgen (Le Souverain pontife), Alexandra Deshorties (Julia), Sylvie Brunet-Grupposo (La Grande Vestale)
Académie de chœur de la Monnaie, Benoît Giaux (chef de chœur), Chœur de la Monnaie, Martino Faggiani (chef de chœur), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alessandro de Marchi (direction)
Eric Lacascade (mise en scène), Emmanuel Clolus (décors), Marguerite Bordat (costumes), Philippe Berthomé (éclairages)
(© Clärchen & Matthias Baus)
Depuis le début de sa saison « hors les murs », l’Orchestre de la Monnaie occupe d’étranges positions. Cette fois, au Cirque royal, les musiciens se placent entre la salle et le plateau mais de manière inversée, le chef se retournant fréquemment pour diriger tantôt face aux spectateurs, tantôt face aux chanteurs, qui contournent parfois les musiciens. En dépit de la proximité des percussions et des cuivres par rapport au public, cette disposition ne porte aucunement préjudice à la sonorité, équilibrée et séduisante. Dans ces conditions, Alessandro de Marchi a bien du mérite pour obtenir de l’orchestre une exécution ardente et le plus souvent précise qui apporte de la noblesse et de l’éclat à La Vestale (1807). Dans cette tragédie lyrique que Berlioz et Wagner admiraient tant, les choristes se montrent également remarquables de tenue et d’engagement dans les nombreuses pages que Spontini leur a consacrées.
Véritable soprano dramatique, Alexandra Deshorties a le profil de Julia, rôle dans lequel elle s’investit entièrement, mais le timbre ne séduit que modérément, la voix n’évoluant pas toujours avec souplesse et plénitude sur toute la tessiture, surtout à l’approche des aigus, forcés. De plus, la prononciation néglige les consonnes et manque, par conséquent, de clarté, contrairement à celle de ses partenaires. Le reste de la distribution porte haut la bannière du chant français. Dommage que Sylvie Brunet-Grupposo chante si peu en Grande Vestale : ample, puissante, vibrante, la voix vaut de l’or. Yann Beuron trouve en Licinius un emploi à sa mesure et confirme la place importante qu’il occupe parmi les chanteurs français actuels. Ce ténor infaillible signe une composition d’une grande justesse mais pas aussi mémorable que le Cinna de Julien Dran, taillé pour ce répertoire et qui adopte un style parfait, la ligne, la déclamation et le phrasé étant irréprochables. Jean Teitgen incarne, quant à lui, un Souverain Pontife revêtu de toute son autorité et chante avec un respect de la prosodie fort apprécié.
La Monnaie n’avait plus proposé de mise en scène aussi frustrante depuis longtemps. Ayant peu convaincu à Paris il y a deux ans, le premier essai d’Eric Lacascade à l’opéra ne restera pas longtemps gravé dans la mémoire, moins à cause de la légèreté du dispositif, intemporel, que de la trop grande sobriété de la direction d’acteur, stéréotypée et pas toujours habile – les choristes, à un moment, s’éparpillent dans tous les sens, comme des enfants dans une cour de récréation, Julia quitte un côté de la scène en courant pour revenir rapidement de l’autre après avoir contourné l’orchestre. Il faut, de plus, patienter à peu près vingt-cinq minutes avant qu’il ne se déroule enfin quelque chose dans ce spectacle plutôt faible, l’acte le plus réussi étant, à la rigueur, le deuxième, notamment grâce aux beaux effets produits par des bougies placées sur la scène et sur les pupitres – mais c’est un vieux tonneau, comme ceux que les militants syndicaux utilisent lors de leurs actions, qui recueille le feu sacré. Le metteur en scène maîtrise toutefois les ensembles et se concentre sur l’essentiel de ce drame parfaitement décanté.
Sébastien Foucart
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