Back
Pastiche et divertissement Saint-Etienne Grand Théâtre Massenet 10/16/2015 - et 17 octobre 2015 Charles Gounod : Le Médecin malgré lui Philippe-Nicolas Martin (Sganarelle), Jean-Christophe Born (Léandre), Marie Gautrot (Martine), Sophie Leleu (Jacqueline), Jennifer Courcier (Lucinde), Virgile Ancely (Géronte), Jean-Kristof Bouton (Valère), Carl Ghazarossian (Lucas)
Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Laurent Touche (direction musicale)
Alain Terrat (mise en scène), Jérôme Bourdin (décors, costumes), Pascal Noël (lumières)
(© Cyril Cauvet)
Dans le prolongement de la Biennale Massenet qui a forgé, au cours des années, l’identité et de la juste renommée de l’Opéra de Saint-Etienne, Eric Blanc de la Naulte ouvre sa première saison sous le signe du répertoire français, avec un ouvrage passablement oublié de Gounod, Le Médecin malgré lui. Inspiré de la pièce éponyme de Molière, le moins méconnu des trois opéras-comiques du père de Faust et Mireille, créé en 1858, s’inscrit dans les limites du genre. La partition, à l’orchestration volontiers légère, respire, par-delà la parodie archaïsante, les modèles mozartien ou rossinien, et résonne plus d’une fois comme le pastiche d’un Grétry, quand certaines tournures portent la marque plus reconnaissable de leur auteur. D’autres sauront se rappeler à un Bizet, dans la scène des contrebandiers de Carmen par exemple. Plaisante et ludique, l’œuvre se distingue également par ses parties parlées, que les librettistes Jules Barbier et Michel Carré ont empruntées directement à Molière, au mot près. Nonobstant une relative et inévitable réduction de la farce à son économie comique, le procédé ne serait pas sans évoquer une collaboration post mortem entre Poquelin et le dix-neuvième siècle, à l’image de celle que le dramaturge du Grand Siècle entretenait avec Lully, confirmant la dimension exercice de style de ce Médecin malgré lui.
Cela en fait sans doute un objet idéal pour l’initiation au monde lyrique, en particulier pour le public scolaire, et cela n’a pas échappé à l’institution stéphanoise, qui a eu le courage d’inaugurer son exercice 2015-2016 avec une production maison, modeste par les moyens, mais sans sacrifier les exigences artistiques à l’usage pédagogique, réconciliant ainsi des audiences trop souvent discriminées au sein des programmations. Avec une scénographie économe due à Jérôme Bourdin, élaborée autour d’un kiosque aux tons de verts dont on retrouvera le dessin dans la chaise à porteurs, Alain Terrat met en valeur la dimension bouffonne de l’intrigue, confirmée par des costumes entre fantaisie historique et stéréotypes, à l’instar de la cape du médecin ou des lunettes et cornet nasal du non moins factice apothicaire. Si elle peut céder à quelques facilités, où le texte n’est pas toujours innocent, en particulier au début de la soirée, l’efficace zygomatique du spectacle se met à pertinente égalité avec l’intrigue et ne manque pas de convaincre.
A rebours de distributions qui favorisent trop souvent la prétention internationale, Saint-Etienne remplit pleinement sa légitime mission de soutien au chant français, et singulièrement à la génération montante. En Sganarelle, Philippe-Nicolas Martin affirme une générosité de grain vocal au diapason des enjeux théâtraux de son rôle, qui signalent d’indéniables qualités de caractérisation. Jean-Christophe Born confère à Léandre un port affecté, sans doute de circonstance, qui ne néglige pas la clarté juvénile du timbre, à laquelle la Lucinde aussi bien trempée que pétulante de Jennifer Courcier ne se montre pas insensible. Avec Marie Gautrot, Martine revêt la gouaille attendue que Sophie Leleu enrichit d’un soupçon de lyrisme pour Jacqueline. En Géronte, Virgile Ancely appuie une autorité paternelle accomplie. Dans le duo domestique, Jean-Kristof Bouton joue de son accent acadien en Valère quand Carl Ghazarossian accentue la rouerie de Lucas. Sous la direction de Laurent Touche, le Chœur lyrique et l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire font retentir honnêtement la dynamique de cette sympathique redécouverte.
Gilles Charlassier
|