About us / Contact

The Classical Music Network

Toulouse

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Audacieuse ouverture

Toulouse
Théâtre du Capitole
10/02/2015 -  et 4, 7, 9, 11* octobre 2015
Luigi Dallapiccola: Il prigioniero
Béla Bartók : A kékszakállú herceg vára, opus 11, sz. 48

Tanja Ariane Baumgartner (La mère, Judith), Levent Bakirci (Le prisonnier), Gilles Ragon (Le geôlier, L’Inquisiteur), Dongjin Ahn, Jean-Luc Antoine (Prêtres), Bálint Szabó (Barbe-Bleue), Yaëlle Antoine (Le Barde), Leslie Barra (Première épouse de Barbe-Bleue), Stéphanie Fuster (Deuxième épouse de Barbe-Bleue), Katell Le Brenn (Troisième épouse de Barbe-Bleue)
Chœur du Capitole, Afonso Caiani (chef de chœur), Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tito Ceccherini (direction musicale)
Aurélien Bory (mise en scène et scénographie), Taïcyr Fadel (collaborateur artistique), Vincent Fortemps (artiste plasticien), Pierre Dequivre (scénographie), Sylvie Marcucci (costumes), Arno Veyrat (lumières)


(© Patrice Nin)


Pour son ouverture de saison, le Théâtre du Capitole de Toulouse s’inscrit dans le cycle «Présences vocales» et associe deux ouvrages du vingtième siècle jusqu’alors inédits sur la scène toulousaine. De Dallapiccola, seul Vol de nuit avait eu cet honneur, où l’aura de l’industrie locale n’est pas étrangère, tandis que Le Château de Barbe-Bleue devait se contenter de concerts à la Halle aux grains. Au demeurant, le Bartók pose également la question du couplage et celui que Frédéric Chambert a imaginé peut déconcerter au premier abord, si ce n’est le demi-siècle moderne qui les associe. Pour autant, Aurélien Bory a réussi la gageure et développé les deux intrigues autour d’un lien scénographique, la porte, symbole ambivalent de l’enfermement et de la liberté qui résume efficacement la dialectique dramaturgique des deux opéras.


Dans Le Prisonnier, le dessin vidéographique du plasticien Vincent Fortemps souligne l’obsessionnelle présence de cette ouverture vers l’extérieur, tout autant que son essence illusoire. Un décor économe, où dominent les tons de pénombre, sert de surface de projection aux fantasmes et hallucinations du détenu, visuelles autant que sonores, et constitue à ce titre une juste caisse de résonance à la partition. La demeure de Barbe-Bleue se décompose de cinq chambranles imbriqués les uns dans les autres et que Judith fait tourner en synchronie avec les clefs et sa curiosité, tandis que le sixième, à l’intérieur, condense les deux dernières portes qui scelleront le destin de l’héroïne. Les lumières d’Arno Vayrat mettent en relief le propos, colorant de brume le cachot et de fragrances évocatrices mais sans servilité littérale excessive les chambres de trésors et de tortures. S’il répond aux exigences décantées du diptyque, le spectacle les renouvelle avec efficacité.


A la tête de l’Orchestre national du Capitole, Tito Ceccherini révèle la richesse poïétique du Dallapiccola. Le mystère et le caractère lancinant de l’attente sont sculptés avec une remarquable puissance évocatrice, tandis que la construction dramatique et les récurrences de motifs s’affirment avec une admirable lisibilité, inscrivant naturellement l’avant-garde de la partition dans le répertoire. La direction soutient des pupitres qu’elle détaille soigneusement, tout autant qu’elle sait accompagner la synthèse d’échos qui nourrissent l’œuvre – l’empreinte du Don Carlos de Verdi ne se limite pas à l’Inquisition et à l’époque où se déroule le drame. L’opulence du Bartók incline davantage vers un galbe généreux de la matière orchestrale, sans sacrifier la luminosité qui poudroie de l’ensemble.


On sera particulièrement marqué par le Prisonnier de Levent Bakirci, à l’évidente carrure d’un Posa, faisant vibrer intensément la tension qui meut le personnage. Gilles Ragon retient la perverse bienveillance du Geôlier et de l’Inquisiteur. Mentionnons les deux Prêtres, Dongjin Ahn et Jean-Luc Antoine, membres du chœur, à l’image des interventions de ce dernier dans les interludes, qui témoignent de l’excellent travail réalisé par Alfonso Caiani. Tanja Ariane Baumgartner réserve à Judith l’étendue de son endurance expressive, limitant parfois l’apparition de la Mère du prisonnier à un prélude, tandis que Bálint Szabó fait preuve de plus de consistance que de couleurs dans les graves de Barbe-Bleue. Evoquons enfin la performance de l’actrice muette, retranscrivant en langue des signes le texte du prologue du Bartók.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com